Le sujet âgé aux urgences : mieux comprendre pour mieux imager

Alors que les plus de 75 ans représentent aujourd’hui environ 10 % de la population, ils comptent pour 16,1 % des passages aux urgences en 2024, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2023 (rapport Fedoru – 2025).
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Leur séjour aux urgences est plus long, en raison de la complexité des pathologies nécessitant des examens complémentaires, et s’allonge encore lorsqu’une hospitalisation est envisagée (48 % des cas).

De nombreuses études ont montré que les données clinico-biologiques sont peu fiables et insuffisamment discriminantes pour orienter correctement ces patients. Tout retard diagnostique entraîne une morbidité accrue chez le sujet âgé. L’imagerie, en particulier le scanner, joue donc un rôle central aux urgences pour établir un diagnostic précis. Le radiologue doit toutefois distinguer les modifications normales liées à l’âge des pathologies réellement significatives. Lors des JFR, une session dédiée se tiendra le dimanche 5 octobre à 8h15 : trois radiologues experts y partageront leurs recommandations pour réaliser des scanners de qualité, leurs conseils pour une interprétation pertinente, ainsi que leurs réflexions éthiques face à la croissance constante de la demande d’imagerie, parfois en décalage avec les possibilités thérapeutiques.

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Fig 1 : Fracture de T11 instable sur rachis enraidi chez un patient de 92 ans ostéoporotique (flèche). Antécédent de cimentoplastie de L1 et L2.

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Le Pr Catherine Cyteval, spécialiste en imagerie ostéo-articulaire, rappellera que les fractures se manifestent souvent par des signes discrets, atypiques, voire trompeurs chez le sujet âgé. L’ostéoporose, les déformations rachidiennes et l’arthrose compliquent encore la lecture des examens. Une vigilance particulière s’impose : suivre attentivement les corticales osseuses dans les trois plans (fig. 1), examiner soigneusement le fenêtrage en parties molles, et recourir à l’IRM au moindre doute. La radiologie interventionnelle, notamment la cimentoplastie, joue également un rôle clé pour favoriser une reprise rapide de l’activité physique et prévenir le syndrome de glissement.

Le Pr Gilbert Ferreti, spécialiste en imagerie thoracique, détaillera les modifications attendues liées à l’âge au niveau des différents compartiments anatomiques du thorax : réticulations sous-pleurales, augmentation du rapport broncho-artériel ou encore épaississement de la paroi bronchique. Les scanners réalisés dans le cadre d’une suspicion d’embolie pulmonaire ont un rendement diagnostique plus faible dans cette population, mais permettent souvent de mettre en évidence des diagnostics différentiels. Les ajustements techniques nécessaires pour obtenir un angioscanner de qualité seront précisés (fig. 2), avec un focus sur l’importance d’accorder du temps pour obtenir la coopération des patients.

Le Pr Patrice Taourel, spécialiste en imagerie abdominale, illustrera la discordance fréquente entre la pauvreté des signes cliniques et la gravité des lésions révélées à l’imagerie, notamment en cas d’inflammation ou d’infection intra-abdominale. Certaines pathologies, spécifiques ou plus fréquentes, méritent une vigilance particulière : l’obstruction colique d’origine tumorale, première cause d’occlusion intestinale, ou encore les ischémies digestives touchant l’intestin grêle, le côlon ou la vésicule biliaire. Par ailleurs, devant des douleurs de l’hypochondre droit, des causes extra-abdominales comme la pneumonie ou l’infarctus du myocarde ne doivent pas être sous-estimées.

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La communication entre radiologues, gériatres, chirurgiens et urgentistes reste la clé d’une prise en charge rapide et sécurisée, garantissant à la fois la précision diagnostique et un meilleur parcours de soins pour le sujet âgé.

Ingrid MILLET (1), Catherine CYTEVAL (1), Gilbert FERRET (2), Patrice TAOUREL (1), Mathieu LEDERLIN (3)

(1) CHU Lapeyronie, Montpellier
(2) CHU Grenoble Alpes
(3) CHU Rennes

 

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Fig 2 : Protocole d’angioscanner thoracique inapproprié. Recherche d’embolie pulmonaire (EP) chez un homme âgé de 73 ans. (a) Fausse embolie pulmonaire (flèche rouge) liée à une opacification incomplète car trop précoce de l’artère pulmonaire (OG vide de contraste (flèche jaune)). (b) Après nouvelle injection avec départ plus tardif de l’acquisition, remplissage correct des branches de l’artère pulmonaire.