Game of Tones : Ce que doit savoir le radiologue dans l’exploration des surdités de perception

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La surdité de perception, ou surdité neurosensorielle, correspond à une atteinte de l’oreille interne ou des voies auditives centrales. C’est une pathologie très hétérogène, dans laquelle l’imagerie joue un rôle central : elle aide à poser le diagnostic, à en préciser le pronostic et à préparer la chirurgie en cas d’indication d’implant cochléaire.
protocole

Le protocole d’exploration s’adapte toujours au mode de présentation clinique (Diagramme Dr Michael Eliezer).

Texte

1. Différents modes de présentation

Le mode de survenue de la surdité permet de guider le protocole à l’IRM, et les hypothèses étiologiques.

  • Surdité brutale : les panel étiologique est large — viral, vasculaire, auto-immun, parfois iatrogène. Un rehaussement systématisé de la cochlée et du canal semi-circulaire postérieur peut suggérer une cause vasculaire. Le schwannome vestibulaire reste rare, mais est retrouvé dans près de 10 % des surdités brusques. L’hydrops endolymphatique se traduit par une surdité prédominant sur les graves, avec dilatation correlée des espaces endolymphatiques. Enfin, une rupture de membrane ou une cause auto-immune peuvent aussi être évoquées selon le contexte.
  • Surdité fluctuante : elle évoque classiquement un hydrops endolymphatique, mais d’autres causes sont possibles — malformations de segmentation cochléaire, fistule périlymphatique (difficile à prouver en imagerie), ou hypotension intracrânienne.
  • Surdité progressive : elle est en rapport le plus souvent avec presbyacousie, une exposition chronique au bruit ou plus rarement à une ototoxicité médicamenteuse. En cas d’asymétrie, il faudra toujours éliminer un schwannome. Certaines malformations (comme la dysplasie de Mondini) ou une otospongiose peuvent aussi se révéler sur les séquences T2 ou FLAIR.

2. L’exploration radiologique : de la cochlée au cortex

Le diagnostic débute par l’audiométrie, qui distingue les surdités endocochléaires des formes rétrocochléaires. La tonotopie, depuis l’apex (sons graves) jusqu’à la base (sons aigus) de la cochlée, se retrouve tout au long du trajet auditif jusqu’aux aires temporales supérieures.

Le scanner haute résolution des rochers explore les structures osseuses, les malformations, ossifications et variantes vasculaires. L’IRM complète par l’analyse : les séquences T2 3D (CISS ou FIESTA) visualisent le labyrinthe membraneux, le conduit auditif interne et le nerf cochléaire, tandis que les séquences FLAIR et post-gadolinium recherchent une atteinte inflammatoire, tumorale ou vasculaire. Le protocole d’exploration s’adapte toujours au mode de présentation clinique (cf diagramme).

3. Bilan pré-implant cochléaire : une chirurgie millimétrée

Avant une implantation, l’imagerie permet de planifier la tympanotomie postérieure, avec une analyse de la mastoïde, jusqu’à la cochlée.

Elle permet notamment :

  • De rechercher des variantes anatomiques vasculaires, en décrivant un sinus sigmoïde antérieur et superficiel, une procidence de la jugulaire,
  • De vérifier la pneumatisation mastoïdienne,
  • D’analyser le trajet de la corde du tympan et du nerf facial.

Les véritables contre-indications chirurgicales sont rares (ossification cochléaire massive, malformations sévères) mais une analyse minutieuse conditionne la sécurité du geste, et la réussite fonctionnelle de l’implant.

4. De l’oreille au cerveau : la dimension neurocognitive de la surdité

La surdité neurosensorielle ne se limite pas à l’oreille. L’atteinte des voies auditives centrales s’accompagne parfois d’un vieillissement cérébral accéléré. Certaines causes, comme l’otospongiose ou la surdité congénitale, sont associées à ce vieillissement prématuré, et les dépôts amyloïdes pourraient influencer la récupération après implant. La perte auditive devient ainsi un véritable marqueur de vulnérabilité cognitive, reliant la cochlée au cerveau.