La formation des internes de radiologie

Interview de Christophe Aubé, Président du CERF - Propos recueillis par Constance de Margerie
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Constance de Margerie : Comment est née l'idée de cette session "La formation des internes de radiologie, allons voir ailleurs en Europe" ?

Christophe Aubé : L’idée est née d’une discussion en marge d’un congrès de radiologie à Rome il y a un an entre Mathieu Lederlin et Julien Dinkel, qui a fait une partie de son cursus en Allemagne. Je n’y suis donc pour rien à l’origine… Mais l’idée m’a séduit et j’ai accepté avec plaisir quand Mathieu Lederlin m’a proposé d’organiser la session.

De votre point de vue, quels sont les points forts de la formation des internes de radiologie, en Suisse, en Allemagne et en Irlande ?

Ces trois pays ont en commun des points qui paraissent intéressants : la mise en place d’un logbook (carnet de recueil des actes), la notion de contrat entre un site de formation (une université) et l’interne et la possibilité de changer de site de formation. Chaque pays a aussi des particularités intéressantes : En Irlande, les internes occupent un poste de résident (interne) de 2 ans en médecine dans des spécialités hors radiologie avant de commencer leur spécialisation. Il existe aussi une réelle incitation à faire un fellowship à l’étranger pour les médecins qui souhaitent avoir une carrière hospitalière (celle-ci étant plus prisée en Irlande qu’en France). En Allemagne c’est l’extrême liberté de choix de la spécialisation et la flexibilité dans le parcours professionnel qui marque. L’interne (Assistenzarzt) peut parfaitement changer d’hôpital ou même de spécialité durant sa formation (dans certains cas, avec des reconnaissances partielles de formation). Les internes peuvent ainsi construire un parcours de formation personnalisé en fonction de leurs intérêts. Cette flexibilité est encadrée par l’obligation pour l'interne, de s'assurer que sa formation répond aux exigences pour l'obtention du titre de spécialiste. En Suisse si la structure de la formation est assez proche de celle que nous connaissons en France, le mode d’entrée dans la spécialité qui se fait sur candidature sur un site sollicité par le futur interne et la souplesse de changement de site de formation pour construire un parcours plus individualisé sont des modes de fonctionnement très différents du modèle français et qui rejoignent le modèle allemand.

D'autre part, quels sont, à votre avis, les points forts de la formation des internes en France, qui ne sont pas forcément partagés dans ces pays ?

La France se distingue par un cadre de formation assez strict. Avec un corpus de connaissances disponibles très important, un encadrement rapproché des internes et un système de validation bien organisé. Mais ceci se paie d’une très faible responsabilisation des internes vis-à-vis de leur formation, à l’inverse de nos voisins. L’obligation à un parcours de formation théorique et pratique qui englobe la totalité de la radiologie sans faire d’impasse mais sans exclure la possibilité de surspécialisation à travers les « mentions » est indéniablement un plus. Enfin la mise en place de l’option « radiologie interventionnelle avancée » permet d’individualiser et de reconnaitre légalement cette surspécialité tout en la gardant ancrée dans la formation radiologique, rappelant la nécessité de base diagnostique solide pour pratiquer la radiologie interventionnelle.

En France, la quasi-totalité des internes effectuent un post-internat pour renforcer leur formation. Est-ce également le cas dans les autres pays européens ?

En Irlande oui c’est quasi une obligation (1 ou 2 ans). De plus le faire à l’étranger est valorisé comme évoqué précédemment. En Suisse la notion de post-internat est assez proche de la France. En Allemagne par contre le système est très différent et il n'y a pas de période systématique de post-internat. L'accent est mis sur la formation continue tout au long de la carrière, plutôt que sur une période dédiée à la consolidation après l’internat. Toutefois beaucoup de jeunes médecins allemands choisissent tout de même de rester, pour un temps à l'hôpital pour acquérir une expertise plus poussée dans certains domaines spécifiques. C’est une « opportunité volontaire » qui leur permet d'être plus compétitifs sur le marché du travail.

Il est rare pour les internes français d'effectuer des stages à l'étranger au cours de leur cursus. Est-ce que la mobilité internationale est plus encouragées dans les pays voisins ?

Malheureusement les échanges internationaux ne sont pas plus encouragés chez nos voisins. A l’exception déjà évoquée de l’Irlande. En Allemagne elle n’est pas systématiquement encouragée et est réservée à des collaborations universitaires. Un des points clef est la reconnaissance dans le cursus national de la formation réalisée à l’étranger.

En tant que président du CERF, pensez-vous que nous pouvons aisément nous inspirer de certains des points forts de ces autres pays européens pour enrichir la formation de nos internes en France ?

OUI. Tout ce qui touche à la structure du cursus des études ne dépend pas directement du CERF. Par contre le contenu, les modes de validation peuvent être modifiés. La mise en place d’un carnet de recueil des actes (logbook) est par exemple un outil qui pourrait facilement être importé en France. Nous venons de le mettre en place pour l’option RIA. La demande d’une plus grande liberté des internes quant à leurs sites de formation est une demande récurrente et insistante du CERF aux tutelles. Pour l’instant sans résultats, mais l’enseignement c’est aussi l’art de la répétition…