Sport et Cerveau : le sport rend-il fou ?

Les traumatismes crâniens aigus sont fréquents dans la pratique sportive et peuvent être décomposés en 3 entités nosologiques : le traumatisme crânien grave, la commotion cérébrale et les impacts crâniens infra-commotionnels.
Texte
  • Le traumatisme crânien grave lié au sport est rare. Il est souvent responsable de troubles de conscience ou de déficits neurologiques focaux et nécessite une exploration urgente par tomodensitométrie à la recherche de lésions post-traumatiques.
  • Le traumatisme crânien commotionnel est marqué par un dysfonctionnement cérébral immédiat et transitoire. Il est fréquent dans les contextes de sports de contact. Sa symptomatologie est souvent aspécifique, dominée par les céphalées, les troubles de mémoire et de concentration. Les traumatismes crâniens commotionnels sont préférentiellement explorés par IRM (protocole standard avec séquences 3DT1, 3DFLAIR, diffusion et SWI) à la recherche de contusions et de lésions axonales diffuses. Ces explorations de routine sont toutefois le plus souvent négatives.
  • Les impacts crâniens infra-commotionnels n’induisent pas ou peu de dysfonctionnement clinique. Ils soulèvent cependant la problématique de leur répétition dans les sports dits à haut risque d’impact.

Des lésions cérébrales spécifiques peuvent être mises en évidence chez des sujets ayant été exposés aux traumatismes crâniens répétés au cours de leur vie par le biais d’une exploration anatomopathologique. Cette entité est nommée Encéphalopathie Chronique Traumatique (ECT). Elle est définie principalement par la mise en évidence de nombreuses plaques amyloïdes +/- dépôts de protéine Tau au sein des fonds de sillon du ruban cortical, préférentiellement au sein des régions frontales et temporales.

Si la caractérisation anatomopathologique fine de cette pathologie est relativement récente, les conséquences des traumatismes crâniens répétés en contexte sportif sont explorées depuis le début du XXeme siècle, initialement dans la boxe, puis dans le football américain et désormais plus largement dans le contexte des sports considérés comme étant à haut risque d’impact (boxe, football américain, hockey, rugby, lutte, mais aussi basket, baseball etc.).

L’ECT se traduit cliniquement par des troubles neurocognitifs peu spécifiques, dont on soulignera notamment une composante d’impulsivité et de comportements à risques non retrouvés classiquement dans d’autres types d’altérations neurocognitives telles que la maladie d’Alzheimer. Ces éléments n’étant pas toujours spontanément rapportés par le sujet lui-même au décours de l’entretien médical, les informations apportées par l’entourage proche sont essentielles.

En imagerie de routine, les explorations des traumatismes crâniens répétés non graves sont peu spécifiques mais peuvent mettre en évidence des hypersignaux FLAIR de la substance blanche, la présence d’anomalies de la ligne médiane (septum pellucidum cavum, cavum vergae) ou encore des microsaignements (plus rares).

Les techniques d’imagerie avancées (Tenseur de diffusion, ASL, QSM, IRMf, mais aussi PET-IRM, etc.) montrent des anomalies subtiles de la microarchitecture cérébrale survenant au cours d’un match ou d’une saison de jeu. Ces techniques restent à ce jour essentiellement du domaine de la recherche et des explorations à plus long terme sont souhaitables.

Certains biomarqueurs sont étudiés (protéine S 100, neurofilaments, etc.) et enrichissent les explorations effectuées.

L’ECT reste à ce jour un diagnostic anatomopathologique. A l’instar d’autres pathologies neurodégénératives, les explorations multimodales pourraient à terme permettre d’évoquer le diagnostic chez des sujets vivants sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et d’imagerie.

Un maillage territorial de centres experts est en voie d’organisation et devrait permettre une augmentation du recrutement et une standardisation des explorations. Un suivi longitudinal des sportifs pourrait ainsi être envisagé.

Certains sports qui n’étaient précédemment pas considérés comme à risque d’impact sont désormais à l’étude. On citera notamment le football (soccer), et plus particulièrement la pratique du jeu de tête comme modèle de traumatismes sous-commotionnels répétés, correspondant à un sujet de recherche très actuel.

Enfin, les nombreux bénéfices de la pratique sportive sur les plans psychologique et cardiovasculaire doivent être pris en considération dans l’interprétation de ces données, compte tenu notamment d’un intérêt médiatique croissant.

La diversité des disciplines concernées (traumatologie sportive, imagerie, neurosciences, anatomopathologie, etc.), le caractère hétérogène de la clinique initiale, la relative méconnaissance du sujet auprès des professionnels de santé, associés à un intérêt médiatique, rendent nécessaire la poursuite des explorations et une sensibilisation de l’ensemble du corps médical et des institutions sportives.