Place de la radiologie interventionnelle dans les pathologies gériatriques
Le vieillissement de la population s'accompagne d'une augmentation des pathologies chroniques et aiguës nécessitant des prises en charge spécifiques, souvent complexes. La radiologie interventionnelle, par son approche mini-invasive guidée par l’imagerie, constitue une alternative thérapeutique précieuse, en particulier chez les patients âgés ou fragiles. Elle permet de limiter les complications, de réduire les durées d’hospitalisation et d’améliorer la qualité de vie. Cet article explore les principales indications de la radiologie interventionnelle dans le champ de la gériatrie.

La radiologie interventionnelle propose des traitements mini-invasifs guidés par l’imagerie. Ces traitements permettent de réduire la morbi-mortalité en diminuant la iatrogénicité des traitements invasifs, et particulièrement chez le patient âgé ou fragile.
Les techniques de radiologie interventionnelle font maintenant partie de l’arsenal thérapeutique mini-invasif de plusieurs pathologies touchant des organes différents. Ces techniques peuvent être réalisées dans la majorité des cas sous anesthésie locale ou loco-régionale mais, en fonction de leur invasivité et des possibilités de confort pour le patient, elles nécessitent parfois une anesthésie générale. Ces interventions sont le plus souvent réalisées de manière programmée mais, en cas de nécessité et d’urgence vitale ou fonctionnelle, ces interventions peuvent être réalisées en urgence.
Lors de cet article, les interventions les plus fréquentes en radiologie interventionnelle vont être exposées, et notamment celles qui peuvent concerner le patient en gériatrie.
Traitement de l’hémorragie
Le patient gériatrique, notamment sous anticoagulant, a un risque hémorragique plus élevé que la population normale. Ces hémorragies peuvent toucher les parties molles (hématome du psoas, hématome des grands droits). Ces complications peuvent aussi être à l’origine d’hémorragies digestives ou de lésions tumorales au niveau des organes. Le bilan de ces hémorragies doit se faire en urgence et notamment avec un scanner qui nécessite l’injection de produit de contraste afin de retrouver l’origine du saignement et de visualiser, si possible, l’artère pathologique. Une fois le bilan fait, le traitement se fait par embolisation grâce à des techniques de navigation intravasculaire, sous guidage fluoroscopique. Ces embolisations sont les plus sélectives possible afin d’assurer une hémostase et de réduire les complications. Plusieurs matériaux d’embolisation peuvent être utilisés en fonction de la situation clinique et de l’organe à traiter, qui peut aller du matériel résorbable, qui va se dissoudre au bout de 48 à 72 h, à du matériel définitif, pouvant utiliser les ressorts métalliques (coils) ou des matériaux d’embolisation liquides.
L’ischémie
l’ischémie peut être au niveau des membres inférieurs ou au niveau des artères digestives, et le traitement va consister, grâce à des cathéters de large calibre, à réaliser une thrombo-aspiration ou une thrombectomie du caillot à la phase aiguë, qui peut être plus ou moins complétée par une thrombolyse in situ s’il n’y a pas de contre-indication. En cas de lésion chronique, un traitement additionnel par angioplastie-stenting est le plus souvent réalisé.
Ces traitements urgents sont souvent pris en charge grâce à une présence 24 h/24 de radiologues interventionnels dans les centres hospitaliers où il existe une activité de radiologie interventionnelle avancée.
D’autres techniques se sont développées afin de réaliser des traitements mini-invasifs chez les patients, en dehors de l’urgence :
L’embolisation des artères prostatiques chez le patient présentant un adénome de la prostate avec un retentissement important sur sa qualité de vie sur le plan urinaire ou en cas de sonde urinaire à demeure.
La technique consiste à aller cathétériser d’une manière sélective les artères prostatiques et de les occlure soit par des billes calibrées, soit par des liquides d’embolisation, afin de dévasculariser la prostate et de permettre de réduire sa taille et de changer sa consistance. L’efficacité clinique est connue et établie. Cette technique existe depuis plus de 15 ans actuellement, avec des résultats tout à fait comparables avec le traitement par résection transurétrale, notamment sur les 5 ans après l’intervention. Cette intervention se pratique sous anesthésie locale. Elle n’est pas douloureuse. Elle nécessite néanmoins une collaboration du patient car sa durée dépend des difficultés anatomiques, elle est entre 1 heure et 2 heures.
L’embolisation des artères rectales pour la pathologie hémorroïdaire hémorragique.
Depuis quelques années, la pathologie hémorroïdaire nécessitant des transfusions régulières ou des saignements itératifs des hémorroïdes peut être traitée par embolisation sélective des artères rectales avec des résultats permettant d’arrêter ou de réduire de manière significative ces saignements. Cette intervention est réalisée, dans la majorité des cas, sous anesthésie locale, d’une durée d’environ 1 heure, et nécessite également la collaboration du patient.
L’embolisation des anévrismes des artères viscérales.
Dans l’immense majorité des cas, les anévrismes des artères viscérales ayant besoin d’un traitement peuvent être traités sous guidage par imagerie en interventionnel, avec des techniques, soit d’embolisation, soit de stenting, et ces interventions peuvent aussi être réalisées sous anesthésie locale.
D’autres traitements peuvent être proposés en radiologie interventionnelle, et sont déjà assez connus.
Les ponctions et drainages des collections intra-abdominales ou rétropéritonéales, ainsi que les lésions thoraciques.
Les limites de ces techniques qui sont réalisées sous anesthésie locale sont les possibilités de collaboration et d’interaction avec le patient, à savoir un patient qui a des troubles cognitifs peut être difficilement traitable sous anesthésie locale et nécessiter une anesthésie générale s’il n’y a pas de contre-indication.
Les précautions à prendre sont les mêmes que pour l’ensemble des patients, à savoir que le patient doit être à jeun, avoir réalisé un bilan d’hémostase, et il sera évalué en fonction de l’invasivité de la thérapeutique proposée (exemple : un patient peut ne pas arrêter les anticoagulants ou antiagrégants pour une embolisation des artères prostatiques si ce traitement pour fluidifier le sang est indispensable). Par contre, si les traitements anticoagulants ou antiagrégants ne sont pas indispensables, il est préférable de les arrêter pour tout acte, même mini-invasif.
En oncologie, plusieurs thérapeutiques peuvent être proposées pour le traitement des tumeurs par destruction thermique.
Plusieurs types de destruction peuvent être proposés en fonction du type de lésion et du type d’organe, consistant en l’insertion par voie percutanée, sous guidage d’imagerie (échographie, scanner et CDCT), d’une ou de plusieurs aiguilles, au niveau de la lésion, afin de déclencher soit de la chaleur, soit du froid, pour induire une destruction tumorale. Les lésions les plus souvent traitées sont le foie, les reins, le poumon et l’os. Une évaluation pré-thérapeutique est à faire chez ces patients afin de bien poser les indications et être sûr que la localisation et la taille de la lésion sont adaptées à ce type de traitement. Ces traitements sont le plus souvent réalisés avec une anesthésie locale, une sédation, voire une anesthésie générale d’où l’importance, avant de traiter ces lésions par destruction tumorale, d’une évaluation onco-gériatrique et d’une consultation d’anesthésie pour évaluer le bénéfice/risque de ces interventions.
Conclusion
La radiologie interventionnelle, depuis plusieurs années maintenant, propose des traitements mini-invasifs, avec aussi des évolutions et des innovations technologiques permettant d’élargir ces thérapeutiques à plusieurs pathologies touchant plusieurs organes. Du fait de leur caractère mini-invasif, ces techniques peuvent être adaptées aux patients gériatriques. Une évaluation des possibilités de collaboration du patient est à faire pour chaque cas, notamment pour les traitements sous anesthésie locale ou chez les patients qui sont contre-indiqués à l’anesthésie générale.
Auteur et affiliation : Hicham Kobeiter, Vania Tacher, Haytham Derbel, Youssef Zaarour, Athéna Galletto, Salim Jazzar, Mario Ghosn, Kais Thabti, Alain Luciani.
Service d’imagerie médicale diagnostic et interventionnel - CHU Henri Mondor