Stéatose hépatique - La catastrophe en marche

La stéatose hépatique concerne selon une étude de 2018 environ 17 % des adultes français et 1/3 de la population des USA. Cette surcharge hépatique en gras est liée à notre mode alimentaire et notre insuffisance d’activité physique. Elle est donc présente chez près de 90 % des patients obèses. Si la stéatose hépatique est une surcharge réversible (NAFLD, Non Alcoolic Fatty Liver Disease) , elle peut évoluer, dans 5 à 10 % des cas, vers la stéato-hépatite (NASH des anglo-saxons Non Alccolic Steato hepatitis ) qui associe à la stéatose, l’inflammation et l’altération des hépatocytes (ballonisation).

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Cette évolution pourra conduire vers la fibrose et la cirrhose avec toutes les complications que l’on connaît : insuffisance hépatocellulaire, hémorragie digestive, carcinome hépatocellulaire (CHC).

Ce risque devient majeur. Il est tel aux USA, où la population d’obèses était estimée à 70 % entre 2011 et 2014, que l’on parle d’obesogenic liver cancer. Dans ce pays, le CHC est la tumeur dont l’incidence augmente le plus rapidement  avec un taux de survie est parmi les plus faibles. Face à la stéatose et à la stéato-hépatite, les challenges sont énormes. La mobilisation est générale : Un consortium, le LITMUS (Liver Investigation : Testing Marker Utility in Steatohepatitis) a été mis en place en Europe dans le but de développer des technologies non invasives pour le diagnostic, la quantification, le pronostic et la détermination de facteurs de risque de la NAFLD et de la NASH. Des centres français sont engagés dans ce consortium. Le pendant existe aux Etats-Unis, le consortium a les mêmes buts et est dénommé NIMBLE. 
 

QUELS CHALLENGES POUR LA RADIOLOGIE ?

Le diagnostic de la stéatose a longtemps été l’histologie, obtenue à partir d’une biopsie. Mais c’est l’IRM qui est actuellement la référence et permet une quantification précise de la stéatose hépatique via les séquences en écho de gradient en phase et en opposition de phase (PDFF). Mais il est illusoire d’imaginer prendre en charge 17 % de la population française en IRM. Le 1er challenge consiste donc à développer des outils simples de diagnostic et de quantification de la stéatose pour permettre le dépistage, le diagnostic, puis lorsque des molécules seront disponibles le suivi du traitement de ces patients. Ces outils se développent en échographie, basés sur l’intensité du signal, l’absorption du faisceau ultrasonore ou la vitesse de conduction des ultrasons. Certains sont déjà commercialisés ; mais ils demeurent pour certains très peu performants, pour tous très peu évalués et non reconnus par les sociétés savantes et donc exclus de toute recommandation.

Au-delà de la stéatose, les outils pour le diagnostic non invasif de la stéato-hépatite n’existent pas. Seule l’histologie peut faire le diagnostic. La biopsie est donc obligatoire, mais ne peut être pratiquement utilisée dans une maladie ayant une telle incidence. C’est le 2ème challenge que nous devons porter : développer et évaluer les outils non invasifs de diagnostic de la stéato-hépatite. Il existe actuellement quelques scores multi paramétriques, incluant principalement des paramètres IRM. Mais là encore ils sont très peu performants. Ces outils sont pourtant cruciaux à développer, puisque le passage de la stéatose à la stéato-hépatite conduit à la carcinogénèse. 

Le 3ème challenge est de ne pas adresser aux hépatologues la totalité des patients chez qui on découvre une stéatose simple. Un tel sur-adressage saturerait totalement notre système de soin. Il faut savoir réadresser aux médecins généralistes demandeurs les patients avec ce diagnostic, pour qu’une prise en charge dans un premier temps diététique soit mise en place. 
Il faut donc savoir cibler les bons patients à adresser à l’hépatologue, ceux pour qui l’évolution de la maladie et le risque de complication est le plus grand. En attendant de mettre au point les outils qui nous permettront de diagnostiquer la stéato-hépatite, nous disposons d’outils performants pour le diagnostic et la semi-quantification de la fibrose : l’élastographie ultrasonore. La fibrose, qui peut survenir rapidement après la stéato-hépatite, est un facteur pronostique important de survenue de complications dont le carcinome hépatocellulaire. La plupart de nos appareils d’échographie sont maintenant munis d’un module d’élastographie. Il faut apprendre à l’utiliser à bon escient. Ainsi, la Société d’Imagerie Abdominale et Digestive (la SIAD) et l’Association Française pour l’Étude du Foie (l’AFEF) travaillent pour la publication en 2023 de recommandations quant à l’usage de l’élastographie ultrasonore. 

Enfin il ne faut pas oublier les vieux challenges que nous n’avons pas, jusqu’ici, réussi à mener. Le dépistage du CHC repose sur une échographie semestrielle. Il est primordial pour découvrir des CHC à un stade où un traitement curatif peut être proposé. Actuellement seule 20 à 25 % de la population cible a  un suivi semestriel par échographie. 

La stéatose hépatique, simple et réversible, est devenue en quelques années un réel problème de santé publique à l’échelle mondiale. Dans certains pays, les campagnes de prévention ciblées sur surpoids et cancer du foie sont lancées. Ce n’est pas encore le cas en France. Mais en attendant ces campagnes de prévention, la radiologie se trouve au centre de la prise en charge de ces patients, du dépistage de la maladie jusqu’au au traitement de ses complications.

 

Pr Christophe Aubé - Département de Radiologie - CHU Angers