Vers un diagnostic de précision : approche Machine Learning pour l'identification des tumeurs orbitaires malignes intégrant des données d’IRM multiparamétrique 3 Tesla

Les tumeurs orbitaires constituent des affections rares mais graves, mettant notamment en jeu la fonction visuelle et touchant majoritairement les adultes d'âge moyen, avec une incidence en hausse, en particulier pour les lymphomes [1–3]. Le diagnostic de ces lésions représente un défi en raison du grand nombre de structures anatomiques qui peuvent être impliquées et de la variété histopathologique qui en découle. Le gold standard repose sur l’histologie, nécessitant souvent des procédures invasives.

Les avancées technologiques en imagerie ont participé à améliorer la prise en charge des pathologies orbitaires, mais la recherche sur les tumeurs orbitaires reste limitée et la gestion des données multiparamétriques issues des IRM de caractérisation complexe. Le machine learning (ML) et l'intelligence artificielle (IA) offrent des solutions innovantes pour traiter ces données ainsi que pour apporter de l’interprétabilité, souvent considérée comme essentielle en médecine [4, 5].
 

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Objectif de ce travail :
L’objectif principal de ce travail était d’évaluer l'efficacité d’une stratégie de ML dans l'identification des tumeurs orbitaires malignes à partir de données d'IRM 3 Tesla multiparamétrique.

Méthodologie :
Cette étude s'appuie sur la cohorte PERFORM de l'Hôpital Fondation Rothschild, incluant des patients atteints de tumeurs orbitaires de décembre 2015 à mai 2021, ayant eu une IRM 3 Tesla avant toute intervention chirurgicale, avec un protocole IRM incluant des séquences morphologiques et des séquences plus fonctionnelles, de diffusion weighted imaging (DWI), d’intravoxel incoherent motion (IVIM) et de dynamic contrast enhanced (DCE).
Un modèle de ML Random Forest a été choisi pour ses avantages techniques adaptés aux défis et aux difficultés propres au domaine médical et une validation croisée stratifiée a été utilisée, permettant de pallier à l'absence de données suffisantes pour avoir un set de validation externe. Huit combinaisons de variables explicatives ont été considérées. 

Par ailleurs, les valeurs Shapley, issues de la théorie des jeux coopératifs et permettant d’étudier la contribution de chaque variable à la prédiction finale, ont été utilisées afin d’apporter de l'explicabilité aux résultats [6].
 

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Nos principaux résultats :
L'analyse a porté sur 113 patients (50,4 % femmes, 49,6 % hommes, âge moyen de 51,5 ans [19 à 88 ans]) et a montré que parmi les huit combinaisons considérées, le modèle le plus exhaustif intégrant les 46 variables explicatives atteignait une ROC AUC de 0,9, tandis que le modèle "signature à 10 variables" obtenait une AUC de 0,88. 
Les valeurs Shapley ont montré que les dix variables les plus influentes comprenaient principalement des variables quantitatives d'imagerie, issues à la fois de la DWI, de l’IVIM et de la DCE.

Discussion :
Ce travail illustre le potentiel du ML appliqué à l'IRM multiparamétrique dans le diagnostic des tumeurs orbitaires malignes, soulignant aussi l'importance de l'imagerie multiparamétrique lors d’un bilan initial de ces lésions, permettant d’appréhender différents mécanismes physiopathologiques.
La taille de l'échantillon, bien que petite pour une étude de ML, est significative pour un travail portant sur les tumeurs orbitaires, souvent restreint à des études de petits effectifs et focalisé sur un type histologique précis. Par ailleurs, l’utilisation des valeurs Shapley comme outil d’interprétabilité constitue un des points clés de l’originalité de ce travail, dans un environnement médical où améliorer la transparence des outils de ML est souvent considéré comme essentiel.
Des études futures pourraient inclure des données complémentaires, issues par exemple de l’échographie-Doppler ou de la radiomique mais aussi de permettre, grâce à des travaux multicentriques, d’apporter une validation externe à ces résultats.

Conclusion :
En somme, l'association du ML à l'IRM multiparamétrique représente une approche prometteuse pour l'identification précise des tumeurs orbitaires malignes.

Références :
1.     Hassan WM, Bakry MS, Hassan HM, Alfaar AS (2016) Incidence of orbital, conjunctival and lacrimal gland malignant tumors in USA from Surveillance, Epidemiology and End Results, 1973-2009. Int J Ophthalmol 9:1808–1813. https://doi.org/10.18240/ijo.2016.12.18
2.     Levecq L, De Potter P, Guagnini A-P (2005) [Epidemiology of ocular and orbital lesions referred to an ocular oncology center]. J Fr Ophtalmol 28:840–844. https://doi.org/10.1016/s0181-5512(05)81002-2
3.     Koopman JH, van der Heiden-van der Loo M, van Dijk MR, Bijlsma WR (2011) Incidence of primary malignant orbital tumours in the Netherlands. Eye (Lond) 25:461–465. https://doi.org/10.1038/eye.2011.9
4.     Miller T (2019) Explanation in artificial intelligence: Insights from the social sciences. Artificial Intelligence 267:1–38. https://doi.org/10.1016/j.artint.2018.07.007
5.     Scheda R, Diciotti S (2022) Explanations of Machine Learning Models in Repeated Nested Cross-Validation: An Application in Age Prediction Using Brain Complexity Features. Applied Sciences 12:6681. https://doi.org/10.3390/app12136681
6.     Antwarg L, Miller RM, Shapira B, Rokach L (2021) Explaining anomalies detected by autoencoders using Shapley Additive Explanations. Expert Systems with Applications 186:115736. https://doi.org/10.1016/j.eswa.2021.115736
 

Texte

 

E. O'shaughnessy (1); L. Senicourt (2); N. Mambour (3); J. Savatovsky (1); L. Duron (1); A. Lecler (1) 
(1) Neuroradiologie, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris, France
(2) Data Science, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris, France
(3) Ophtalmologie, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris, France