Téléradiologie : son rôle dans les urgences

Les services d'accueil des urgences,  centres névralgiques des soins non programmés, exigent une efficacité diagnostique immédiate. Les examens d'imagerie sont devenus des outils diagnostiques indispensables et de première ligne dans la prise en charge des patients accueillis dans les SAU. 

Afin de maintenir une couverture territoriale et un accès national à des soins de qualité, plusieurs facteurs actuels posent des défis dans le domaine de l’imagerie des Urgences: le déficit démographique des radiologues, l'augmentation des demandes d'imagerie, la création de Groupements Hospitaliers de Territoire.

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Face à ces défis, la téléradiologie s'avère être une solution stratégique, offrant une interprétation radiologique à distance et assurant une couverture continue des examens d’imagerie aux urgences, ce qui allège la charge des radiologues sur place. Il existe plusieurs modèles de téléradiologie d’urgence mais les deux principaux sont la téléradiologie par une société externe et la téléradiologie par l’équipe des radiologues du site.

Une étude nationale sous l’égide du G4 a exploré les différentes configurations organisationnelles et en particulier le lien avec la téléradiologie. Nous avons analysé les caractéristiques des centres qui utilisent la téléradiologie, qu'elle soit gérée en interne ou par des sociétés externes (le plus souvent comportant des radiologues libéraux participant donc volontairement à la permanence des soins).
 

Nos résultats révèlent que les grands centres hospitaliers (plus de 500 lits) font moins appel à la téléradiologie comparativement aux plus petits. Les Centres Hospitaliers Universitaires et les établissements privés utilisent significativement moins la téléradiologie que les Centres Hospitaliers généraux. Notamment, l'utilisation de la téléradiologie est prépondérante pour les équipes de soir et de nuit, ainsi qu'en semaine par rapport aux week-ends et jours fériés.

Ces données illustrent l'impact de la téléradiologie sur l'efficacité des services d'urgence. Elles soulignent l'importance d'adapter les modèles organisationnels pour intégrer ces avancées technologiques, garantissant ainsi un accès ininterrompu à des services de radiologie de qualité, même en dehors des heures ouvrées.

Au-delà de l’aspect « binaire » d’un maintien d’un accès à l’imagerie 24h/24, certaines structures téléradiologiques mettent en avant une organisation permettant le maintien de l’aspect qualitatif de cet accès à l’imagerie. Ceci se fait par exemple au travers de la création de centres de gardes téléradiologiques. En leur sein, les radiologies de garde effectuent à tour de rôle, par rotation de 2h et en binôme aux heures les plus chargées, une régulation médicale radiologique des demandes, facilitées par des outils informatiques et téléphoniques, afin de ne pas perdre le contact entre le trio « partenaire » de ce temps médical à savoir le médecin requérant l’examen d’imagerie, le manipulateur le réalisant et le médecin radiologue l’interprétant. Cette structuration permet d’optimiser la pertinence médicale des demandes afin d’éviter une dérive possible d’inflation des actes réalisées quand le radiologue interprétant n’est pas sur site.

Dans le futur, il sera sans doute possible d’intégrer aux outils informatiques générant les demandes d’examens d’imagerie des systèmes d’alerte et de check-lists permettant de s’assurer de la conformité de la demande avec les recommandations actuelles, voire de les faire évoluer avec elles.

Dans le futur aussi, ces structures multicentriques dans leur géographie mais assez homogènes dans leur fonctionnement, pourraient par le volume et la qualité des données médicales qui transitent à travers elles, devenir des observatoires privilégiés de santé publique et aider les décideurs publiques dans leurs prises de décisions. Elles pourront probablement même devenir des acteurs d’une médecine prédictive tant attendue, donnant toute leur mesure aux outils émergeant, notamment en Intelligence Artificielle, de l’imagerie opportuniste. Sera-t-il ainsi possible de prédire la survenue à 3 ans d’un accident cardiovasculaire chez un patient venu aux urgences pour un traumatisme thoracique et ayant bénéficié d’un scanner thoracique ?

 

G. Herpe - Unité Imagerie des Urgences, CHU Poitiers, Directeur Médical France Incepto-Medical
 G. Gorincour - Radiologue associé et Directeur Scientifique, IMADIS