L’imagerie médicale dans le suivi des fractures vertébrales chez les personnes âgées : meilleures pratiques et innovations

Avec le vieillissement de la population, les fractures vertébrales liées à l’ostéoporose représentent un enjeu majeur de santé publique. L’imagerie médicale joue un rôle fondamental non seulement dans le diagnostic initial, mais aussi dans le suivi évolutif de ces fractures, permettant d’adapter la prise en charge thérapeutique.
Chez les personnes âgées, les fractures vertébrales surviennent souvent sans événement traumatique identifié et peuvent rester longtemps non diagnostiquées.
Les radiographies standards, bien que couramment utilisées en première intention, présentent des limites en termes de sensibilité, notamment pour détecter les fractures avec une faible perte de hauteur.
Parmi les bonnes pratiques actuelles, la tomodensitométrie (TDM ou scanner) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) occupent une place centrale. Le scanner permet une excellente évaluation morphologique de la vertèbre, utile pour identifier une fracture et apprécier la perte de hauteur. Il offre aussi une visualisation fine des fragments osseux, des traits de fracture et de la stabilité vertébrale : des éléments clés pour orienter vers un traitement conservateur ou interventionnel. Il permet également d’évaluer les signes de consolidation tels que l’ostéosclérose et les cals osseux.
L’IRM est l’outil de référence pour apprécier l’ancienneté de la fracture grâce à l’analyse des signaux intramédullaires. Elle permet de détecter un œdème osseux, marqueur de fracture récente, et d’exclure une origine tumorale ou infectieuse dans les formes atypiques. En suivi, l’IRM permet également d’évaluer la résorption de l’œdème, témoin de la cicatrisation progressive.
L’ostéodensitométrie (DEXA) demeure l’examen de référence pour évaluer la densité minérale osseuse (DMO) chez les sujets âgés dans le cadre du suivi de l’ostéoporose et des fractures vertébrales. Le TBS (Trabecular Bone Score), mesure indirecte de la microarchitecture trabéculaire, complète cette évaluation en identifiant les patients à risque fracturaire élevé, même en présence d’une DMO normale. L’analyse conjointe du T-score et du TBS affine ainsi l’évaluation du risque de fracture et guide les décisions thérapeutiques, notamment après une fracture vertébrale de fragilité.
Ces examens de référence sont aujourd’hui complétés par des innovations prometteuses, améliorant la précision du suivi et la compréhension des mécanismes de fragilité osseuse.
L’analyse de la microarchitecture osseuse par scanner haute résolution (HR-pQCT) permet de quantifier la dégradation trabéculaire et corticale à l’échelle microscopique. Bien que son usage soit encore essentiellement réservé à la recherche, cette technologie ouvre des perspectives dans l’évaluation prédictive du risque fracturaire et dans le monitorage des traitements anti-ostéoporotiques.
Par ailleurs, l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) en imagerie ouvre de nouvelles perspectives. Des algorithmes de détection automatisée des fractures vertébrales sont désormais intégrés à certains logiciels d’interprétation TDM, permettant la détection opportuniste de fractures non signalées, notamment lors d’examens réalisés pour d’autres indications. Cette approche favorise un diagnostic plus précoce, souvent négligé, et permettrait d’améliorer l’initiation rapide d’un traitement adapté.
De plus, la mesure opportuniste de la densité minérale osseuse sur des scanners thoraco-abdominaux réalisés pour d'autres indications permet de détecter et de suivre l’évolution de l’ostéoporose sans avoir recours à un examen DEXA dédié. Cette méthode repose sur la mesure de l’atténuation en unités Hounsfield (UH) au niveau des corps vertébraux thoraciques ou lombaires. Des seuils sont généralement admis : au-dessus de 135 UH pour une densité osseuse normale, en dessous de 110 UH pour une densité compatible avec une ostéoporose. Cette approche, simple, reproductible et sans irradiation supplémentaire, s’intègre dans la pratique clinique de routine et permet de dépister précocement les patients à risque, en particulier les sujets âgés ou fragiles. Certains logiciels d’IA proposent désormais de réaliser cette mesure de façon systématique et automatisée chez les femmes de plus de 50 ans.
Les meilleures pratiques actuelles recommandent une imagerie multimodale et raisonnée, guidée par les données cliniques et les besoins spécifiques de chaque patient. Le suivi des fractures vertébrales ostéoporotiques doit associer des techniques morphologiques et fonctionnelles, tout en intégrant les outils numériques émergents pour améliorer la détection, la surveillance et la prévention de nouvelles fractures.

Mise en place d’une ROI dans le corps vertébral de L1 sur une scanner abdominal réalisé pour une douleur abdominale, permettant une mesure de la DMO en UH : la DMO est mesurée à 172,1 UH en faveur de l’absence d’ostéoporose.

Logiciel d’IA permettant une détection systématique et automatique des fractures vertébrales et mesurant la DMO en UH de façon automatisée sur un scanner TAP réalisé pour une autre indication : patiente ostéoporotique présentant de nombreuses fracture vertébrales.
Dr Daphne GUENOUN, Pr Pierre CHAMPSAUR
Department of Radiology, Institute for Locomotion, Sainte-Marguerite Hospital, APHM, 13009 Marseille, France
Institute of Movement Sciences (ISM), CNRS, Aix Marseille University, 13009 Marseille, France