Radioprotection et Pédiatrie : ​​​​​​​Que démontre l’épidémiologie ?

La tomodensitométrie est une technique d’imagerie indispensable. Les études récentes de grande ampleur confirment qu’elle expose à un faible risque de cancers, ce qui justifie les règles de radioprotection mises en place de longue date.

Si le rapport bénéfice/risque de l’imagerie médicale diagnostique et thérapeutique n’est plus à démontrer, la diminution des risques, aussi faibles sont-ils, est une préoccupation constante. Pour tous les radiologues, la radioprotection est depuis notre formation initiale un des fondements de notre pratique. Les effets déterministes et stochastiques des fortes doses sont connus depuis des nombreuses décennies, mais les effets des faibles doses ont été pendant longtemps un sujet d’interrogation. En l’absence de preuves formelles et selon le principe de précaution, la relation linéaire sans seuil a été l’hypothèse retenue par la règlementation. L’imagerie pédiatrique, du fait de la plus grande sensibilité de l’enfant aux rayonnements ionisants, a fait l’objet d’une attention particulière de la part de la communauté scientifique. Les études pédiatriques se sont particulièrement intéressées à la tomodensitométrie, outil indispensable, mais qui est la technique d’imagerie diagnostique qui délivre le plus de rayonnements. 

Rappelons que les doses délivrées par la tomodensitométrie sont du domaine des faibles doses. Depuis une dizaine d’année, des études épidémiologiques et notamment celles de Pearce en 20121 et de Mathews2 en 2013, ont mis en évidence un excès de risque de cancer lié à l’utilisation de la tomodensitométrie chez l’enfant. 

Si ces études ont été les premières preuves tangibles de cette relation, elles comportaient cependant des biais méthodologiques qui ont été pointés lors de leur lecture critique. Les études pilotées par l’IRSN dont certaines font partie du projet européen MEDIRAD (MEDedIcal low-dose RADiation exposure) ont eu comme but de définir et diminuer ces biais méthodologiques. L’actualisation des données de la cohorte française a mis en évidence une relation dose-réponse pour les tumeurs du système nerveux central et les leucémies pour des populations pédiatriques n’ayant pas de prédisposition au cancer3

En décembre 2022 viennent d’être publiés, dans Lancet Oncology4, les résultats de l’étude EPI-CT. Il s’agit d’une étude européenne pour estimer le risque de tumeurs malignes lié à la réalisation de scanners pendant l’enfance. L’IRSN en partenariat avec la SFIPP et la SFR ont participé à cette étude qui a rassemblé 9 cohortes européennes et comporte un million d’enfants suivis au moins un an après un 1er scanner cérébral. L’étude publiée a porté sur le risque de tumeurs cérébrales chez les 658 752 patients suivis sur une durée d’au moins 5 ans après le 1er scanner, entre 1977 et 2014. L’étude démontre un excès de risque avec une relation dose-effet. Cet excès de risque est de 1 tumeur cérébrale pour 10 000 enfants ayant été explorés par un scanner du crâne (dose estimée de 38 mGy en moyenne). Le risque des faibles doses employées en TDM est donc démontré, et non plus simplement modélisé. Néanmoins celui-ci reste très faible au regard du bénéfice attendu lorsque l’indication est bien posée.

Cette étude par son ampleur démontre que tous les acteurs (radiologues, techniciens de radiologie, physiciens médicaux) ont eu raison de mettre en œuvre depuis des décennies les principes de radioprotection. Ces principes appliqués à la radioprotection des patients consistent à vérifier par le médecin-radiologue la justification médicale, à substituer quand cela est possible le scanner par un examen exposant moins ou pas aux rayonnements ionisants et enfin à optimiser la technique pour délivrer la quantité de rayonnements ionisants la plus faible possible tout en gardant une qualité diagnostique adéquate. Il est enfin nécessaire de disposer d’équipements qui offrent la possibilité de diminuer les doses délivrées à qualité équivalente grâce à des détecteurs plus sensibles et à des algorithmes de reconstructions de plus en plus performants qui permettent de diminuer le bruit de l’image et ainsi d’optimiser la qualité diagnostique.

 

1 MS Pearce, JA Salotti, MP Little et al. Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. .Lancet. 2012 Aug 4; 380(9840):499-505. 
2 JD Mathews, AV Forsythe, Z Brady et al. Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians BMJ. 2013 May 21;346:f2360. doi: 10.1136/bmj.f2360.
3 A Foucault, S Ancelet, S Dreuil et al. Childhood cancer risks estimates following CT scans: an update of the French CT cohort study European Radiology (2022) 32:5491–5498.
4 M. Hauptmann, G. Byrnes, E  Cardis et al. Brain cancer after radiation exposure from CT examinations of children and young adults: results from the EPI-CT cohort study Lancet Oncol. 2022 Dec 6;S1470-2045(22)00655-6

 

H Ducou le Pointe, Service de radiologie, Sorbonne Université, Hôpital Armand-Trousseau - Paris
JF Chateil, Service de Radiologie, Hôpital Pellegrin - Bordeaux
H Brisse, Service de Radiologie – Institut Curie - Paris

 

H Ducou le Pointe, Service de radiologie, Sorbonne Université, Hôpital Armand-Trousseau - Paris
JF Chateil, Service de Radiologie, Hôpital Pellegrin - Bordeaux
H Brisse, Service de Radiologie – Institut Curie - Paris