Place de l’IRM dans les troubles dépressifs

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Dans le cadre du développement de la médecine de précision en psychiatrie, la neuroimagerie et plus particulièrement l’IRM, revêt une place de choix.

Actuellement, l’IRM devient un outil de choix dans le trouble dépressif dans trois situations, principalement : définir des sous types plus homogènes d’épisode dépressif afin de proposer des traitements plus adaptés, permettre un ciblage thérapeutique et repérer des facteurs de résistance aux traitements.

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Les avancées techniques et conceptuelles en imagerie cérébrale ont apporté de nouvelles perspectives sur les circuits cérébraux qui sous-tendent les fonctions cognitives, émotionnelles et auto-réflexives complexes. A l’instar des avancées en cardiologie avec l’imagerie de repos et l’imagerie de stress, Leanne Williams et al. ont utilisé l’IRM fonctionnel de repos (resting state) et de tâche afin de mettre en évidence des biotypes d’épisode dépressif et d’anxiété plus homogènes. En effet, dans les classifications internationales actuelles deux personnes diagnostiquées avec un trouble dépressif peuvent ne partager qu’un seul symptôme commun. A partir des dysfonctionnements spécifiques en connectivité fonctionnelle et structurelle des circuits neuronaux régissant les fonctions émotionnelles, cognitives et auto-réflexives, Williams et al. ont mis en évidence six biotypes regroupant des dimensions cliniques plus homogènes (les ruminations, l’évitement anxieux, les affects négatifs avec les biais cognitifs et la dérégulation de la perception de la menace, la diminution des affects positifs avec l’anhédonie et l’insensibilité au contexte, les atteintes cognitives avec les troubles de l’attention et de la mémoire).

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Ces biotypes diffèrent des catégories diagnostiques traditionnelles et sont susceptibles de se chevaucher, d’interagir ou de coexister chez différents patients. La réplication de ces biotypes a permis de débuter des essais cliniques pour des thérapeutiques plus ciblées à la fois médicamenteuses et non médicamenteuses dont la neuromodulation (1–3).

D’autres parts, l’IRM peut être utilisée dans le ciblage de certaines de ces stratégies thérapeutiques de neuromodulation comme la stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS). Il s’agit d’appliquer des stimulations magnétiques répétées sur des cibles cérébrales spécifiques. Or, jusque là, ce ciblage est fait à partir des points EEG F3 et F4. Or, il existe une grande variabilité inter individuelle qui peut être à l’origine d’une variabilité de réponse importante. Pour y remédier, Cole et al. ont utilisé un ciblage basé sur l’IRM fonctionnelle. En effet, le cortex préfrontal dorsolatéral gauche (DLPFC) est une vaste région cérébrale composée de plusieurs sous-régions, dont certaines sont corrélées et d’autres anticorrélées avec l'activité du cortex cingulaire subgénual (sgACC). Des travaux récents suggèrent que ces sous-régions corrélées et anticorrélées font partie de circuits affectifs distincts : la stimulation d’une sous-région du DLPFC gauche anticorrélée avec le sgACC réduit les symptômes dépressifs. En revanche, cibler une sous-région du DLPFC gauche corrélée avec le sgACC réduit les symptômes anxieux. La cible dite « dépressive » est plus antérieure et latérale au sein de l'aire de Brodmann 46 (BA46) alors que la cible dite « anxieuse » se situe de manière plus postérieure dans le DLPFC. Ce ciblage plus précis a permis d’obtenir, dans des études contrôlées randomisées, des taux de réponses d’environ 70% dans une population de patients présentant des épisodes dépressifs résistants aux traitements médicamenteux  (4,4,5).

Enfin, des données en IRM peuvent être utilisées pour définir des facteurs prédicteurs de réponse aux traitements antidépresseurs utilisés dans les troubles dépressifs. Parmi les marqueurs les plus robustes associées à une moins bonne réponse aux traitements, on retrouve les hypersignaux de la substance blanche et ce d’autant plus qu’il s’agit de trouble dépressif à début tardif (après 65ans) (6,7). Cela permet d’adapter plus précocement la prise en charge de ces patients en proposant des stratégies de neuromodulation comme l’electroconvulsivothérapie (ECT) qui est particulièrement efficace dans ces populations (8). Cela permet de réduire la durée de l’épisode et d’améliorer le pronostic fonctionnel de ces patients(9).

 

1. Williams LM. Precision psychiatry: a neural circuit taxonomy for depression and anxiety. Lancet Psychiatry. mai 2016;3(5):472‑80.

2. Song EJ, Tozzi L, Williams LM. Brain Circuit-Derived Biotypes for Treatment Selection in Mood Disorders: A Critical Review and Illustration of a Functional Neuroimaging Tool for Clinical Translation. Biol Psychiatry. 1 oct 2024;96(7):552‑63.

3. Tozzi L, Zhang X, Pines A, Olmsted AM, Zhai ES, Anene ET, et al. Personalized brain circuit scores identify clinically distinct biotypes in depression and anxiety. Nat Med. juill 2024;30(7):2076‑87.

4. Cole EJ, Phillips AL, Bentzley BS, Stimpson KH, Nejad R, Barmak F, et al. Stanford Neuromodulation Therapy (SNT): A Double-Blind Randomized Controlled Trial. Am J Psychiatry. févr 2022;179(2):132‑41.

5. Siddiqi SH, Taylor SF, Cooke D, Pascual-Leone A, George MS, Fox MD. Distinct Symptom-Specific Treatment Targets for Circuit-Based Neuromodulation. Am J Psychiatry. 1 mai 2020;177(5):435‑46.

6. Gerlach AR, Karim HT, Peciña M, Ajilore O, Taylor WD, Butters MA, et al. MRI predictors of pharmacotherapy response in major depressive disorder. NeuroImage Clin. 2022;36:103157.

7. Paolini M, Maccario M, Saredi V, Verri A, Calesella F, Raffaelli L, et al. Cardiovascular Risk Predicts White Matter Hyperintensities, Brain Atrophy and Treatment Resistance in Major Depressive Disorder: Role of Genetic Liability. Acta Psychiatr Scand [Internet]. [cité 18 mars 2025];n/a(n/a). Disponible sur: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/acps.13793

8. van Diermen L, van den Ameele S, Kamperman AM, Sabbe BCG, Vermeulen T, Schrijvers D, et al. Prediction of electroconvulsive therapy response and remission in major depression: meta-analysis. Br J Psychiatry J Ment Sci. févr 2018;212(2):71‑80.

9. Gill K, Hett D, Carlish M, Amos R, Khatibi A, Morales-Muñoz I, et al. Examining the needs, outcomes and current treatment pathways of 2461 people with treatment-resistant depression: mixed-methods study. Br J Psychiatry J Ment Sci. 12 mars 2025;1‑8.

Antoine Yrondi
Service de Psychiatrie et de Psychologie Médicale, Centre Expert Dépression Résistante et Bipolaire FondaMental, CHU de Toulouse, Hôpital Purpan, ToNIC Toulouse NeuroImaging Centre,
Toulouse, France; Université de Toulouse, INSERM, UPS, Toulouse, France.