Le patient âgé et son double digital : prendre soin du patient réel avant son avatar numérique

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Ces dix dernières années, les innovations technologiques essentiellement liées à la numérisation des images et des données de santé ont permis de créer un double digital, un avatar numérique du patient.

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Une réelle fascination du personnel de santé s’est développée autour de ce patient numérique, attrayant par sa modernité et laissant peu de place à la préoccupation du vrai patient âgé, désuet dans la réalité. 

Dans les services d’imagerie médicale, l'intérêt pour la numérisation du corps humain semble prendre le pas sur le soin réel au patient. Le corps numérique n’écraserait-il pas le corps sujet, et ce d’autant plus lorsque le patient est âgé ?

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Les trois dimensions du patient en imagerie médicale :

Le corps sujet intéresse le manipulateur en électroradiologie médicale pour établir une relation de soins au moment de l’acquisition des images. Celui-ci permet de répondre au droit à l’information et à la recherche du consentement éclairé du patient, et dans le cas échéant de respecter le droit au refus de soin. Il s’agit donc de respecter l’autonomie physique et intellectuelle du patient qui est le premier principe éthique de Childress et Beauchamps. Ce principe d’autonomie nous interdit de nous affranchir du corps sujet.

Alors que Kant affirme que « Tout être humain doit être traité comme une fin en soi et jamais comme un moyen », dans la médecine actuelle il y a peu de place pour ce que le malade exprime, pour sa parole … On progresse vers une réduction de l’être humain le limitant à sa seule partie objectivable…

D’où le corps objet… Il peut être transpirant, odorant, souillé, douloureux, fragile, usé et ce d’autant plus lorsque le patient est âgé. Ce corps peut également être lourd, ralenti et dans ce cas, freiner notre activité dans le servie d’imagerie médicale. La vieillesse ne fait alors pas « très belle image » car le patient âgé présente souvent un corps éprouvé qui complexifie la réalisation de l’imagerie médicale.

La dérive éthique serait d’utiliser ces deux corps (sujet et objet) comme un simple moyen d’obtenir une belle image.

Car c’est le corps objet que nous manipulons pour obtenir l’image ou corps numérique du patient réel. Un engouement des professionnels de santé s’est développé autour de ce patient numérique très séduisant par sa modernité, de plus il ne souffre pas, il ne pèse pas, n’a pas de besoin physiologique. Il est consultable à tout moment en un seul clic et ne vieillit pas !

L’accent accru sur le corps numérique induit parfois une prolongation du temps consacré aux traitements des données digitales, pouvant créer des tensions temporelles nécessitant un équilibre pour garantir une attention adéquate au patient réel. Nous n’avons plus un seul patient à prendre en soin, mais deux : le patient âgé et son jumeau numérique !

Toutefois, se mettre au service des humanités et de la santé ne consiste pas à s’inscrire contre la technique. Le numérique n'est qu'un outil et s'il est bien utilisé, il en résulte quelque chose de bien. Il est donc nécessaire de trouver ce fameux équilibre entre le côté trop cartésien qui consiste à créer de manière mathématique un double du corps humain dans la production de son image, et le maintien d’un côté plus humain en considérant son patient comme un être singulier qui mérite de l’attention. Cela tient à chacun de nous, quelle que soit notre position dans le système de soin, d’attribuer une importance à ce que nous avons de plus humain, le relationnel, le respect de la dignité humaine, de le préserver et le transmettre aux générations futures, afin qu’à notre tour nous soyons considérés.

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