Mammographie et dépistage du cancer du sein : nouvelles recommandations de radioprotection d’un tissu sensible

Le dépistage organisé du cancer du sein repose sur la réalisation périodique d’une mammographie dans la population ciblée. La proportion insuffisante de femmes se prêtant à cet examen interroge, et pose parmi d’autres la question du risque radiogène qui lui est lié. En complément, la large diffusion de la tomosynthèse a amené l’Autorité de Sureté Nucléaire à revoir les règles de bonne pratique et à proposer une mise à jour des Niveaux de Référence Diagnostiques.

La réalisation d’une mammographie lors du dépistage du cancer du sein doit obéir à un équilibre bénéfice/risque indiscutable. Pour cela, il faut que la technique d’acquisition soit d’une part excellente sur le plan qualitatif, et d’autre part raisonnable en termes d’exposition aux rayons X afin de limiter au maximum le risque stochastique. L’apport de la tomosynthèse (TS) est devenu incontournable et celle-ci est de plus en plus souvent intégrée à la mammographie de dépistage, selon les recommandations de la HAS. Par ailleurs, le contrôle de qualité des mammographes revu et imposé par l’ANSM a défini de nouvelles règles qualitatives incluant la mesure de la dose délivrée, y compris en tomosynthèse, rendant caduque les précédentes modalités de recueil de doses, celles-ci servant à la collecte nationale pour tenir à jour les Niveaux de Référence Diagnostiques (NRD). Enfin, l’étude de terrain menée récemment par l’IRSN a montré une grande dispersion des doses délivrées selon les différents équipements utilisés. 

sein

L’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN), par le biais du Groupe Permanent d’experts en RadioProtection, a mandaté un groupe de travail spécifique d’experts en sénologie pour proposer de nouvelles recommandations de radioprotection liées à la pratique de la mammographie, en particulier avec les appareils d’acquisition de type DR (Digital Radiography), permettant les incidences de projection 2D-DR et éventuellement une étude en tomosynthèse, permettant le cas échéant la production d’images de synthèse dites 2Ds. L’actualisation des NRD en relation avec ces techniques découle de ces recommandations. A la suite de la présentation de ce travail, L’ASN a publié officiellement son avis le 3 septembre 2024, dont voici les principaux éléments :  

 

Sur le plan qualitatif, il faut tendre vers l’application des critères proposés par L’European Reference Organisation for Quality Assured Breast Screening and Diagnostic Services (EUREF). Ces critères sont plus restrictifs que ceux actuellement appliqués en France. Les fabricants d’appareils de mammographie ont donc la nécessité que ceux-ci délivrent une dose optimisée associée à une qualité d’image répondant aux critères EUREF. De ce fait, les appareils de type CR (Computed Radiography) doivent être considérés comme obsolètes et seuls les appareils de type DR ont la capacité d’atteindre le niveau « souhaitable » exigé par EUREF. L’ASN souligne également la nécessité de mettre en place des études sur la qualité des systèmes TS et des images de synthèse 2Ds, incluant des critères d’évaluation au regard non seulement des doses délivrées mais aussi de la qualité des images : l’optimisation des doses doit être réalisée sans préjudice sur la qualité diagnostique de l’image. 

 

En ce qui concerne les règles de radioprotection, les points suivants sont précisés par l’ASN : 

La radiosensibilité mammaire étant plus élevée chez les femmes plus jeunes, l’emploi des rayons X doit être justifié au regard du risque de cancers radio-induits, notamment avant 50 ans, et tracé dans le dossier de la patiente. Les nouvelles valeurs de NRD préconisées, et devant être officiellement publiées prochainement, sont les suivantes : 

  • Par incidence 2D-DR : dose glandulaire moyenne (DGM) de 1,7 mGy ;  

  • Par incidence TS : DGM de 2,3 mGy.  

L’introduction complémentaire d’une valeur guide diagnostique (VGD) tenant compte de l’épaisseur de sein compressé, doit permettre l’optimisation locale des protocoles d’acquisition, et les valeurs suivantes par incidence sont proposées :

Figure 1

La transmission à l’IRSN, tous les 3 ans et pour chaque mammographe installé, de données (technique : 2D-DR ou TS, dose et épaisseur du sein) concernant au minimum 50 patientes consécutives en conditions cliniques est demandée. Ces données seront plus représentatives des doses réellement délivrées aux patientes, permettant ainsi la mise à jour future des NRD. La mise en place d’un système de recueil et d’analyse des doses (DACS) en mammographie est préconisée, celui-ci peut aider pour réaliser des niveaux de référence locaux et améliorer le recueil des doses au niveau national.