Les enjeux psychologiques des tests génétiques : hier et aujourd’hui

Les recherches que nous avons réalisées avec des populations concernées par des test génétiques présymptomatiques et génomiques nous permettent de mettre en lumière des enseignements qui soulèvent des nouvelles problématiques éthiques.
Le XXème siècle fut marqué par le développement spectaculaire des connaissances et des possibilités technologiques de diagnostic en génétique qui ont permis l’accès aux tests présymptomatiques chez les personnes à risque pour des maladies génétiques.
ethique

Le XXIème siècle a produit une véritable révolution avec l’arrivée de la médecine génomique augmentant sensiblement le rendement diagnostic des maladies rares par exemple et les possibilités de traitement personnalisée (en oncologie par exemple). Parallèlement, en développant l’analyse du génome en 1ère intention au détriment d’analyses ciblées sur un gène, l’accès à des données additionnelles - sans relation directe avec l’indication initiale de prescription- s’accroît également. 

Il peut s’agir de données additionnelles incidentes de révélation fortuite (communicables à la suite de la révision de la loi de bioéthique de 2021 et au décret d’application du 30 décembre 2023) ou de données additionnelles secondaires recherchées activement à partir d’une liste de gènes préétablie pour des pathologies qui peuvent bénéficier de mesures de prévention ou de traitement (principalement cardiaques ou oncologiques).

Ces dernières sont encore interdites en France et en Europe excepté dans un contexte de recherche alors qu’elles sont couramment recherchées aux Etats-Unis depuis 2013. 

L’enseignement laissé par les tests présymptomatiques dans des maladies à révélation tardive sont nombreux et peuvent alimenter la réflexion dans la pratique des données additionnelles. Les conséquences de la révélation du statut de porteur chez des personnes asymptomatiques ont surtout été étudiées dans la Maladie de Huntington qui est paradigmatique à plusieurs égards. L’un des résultats le plus significatif des études réalisées par l’équipe de la Pitié Salpetrière est que le rapport au savoir génétique chez l’individu est énigmatique : Dans la maladie de Huntington, environs 40% des personnes à risque qui demandent initialement de faire le test génétique abandonnent la démarche après un temps de réflexion et un accompagnement dans la prise de décision. Nous pouvons donc constater que ce n’est pas parce que la possibilité de savoir est offerte que les personnes accèdent au résultat sans avoir fait au préalable une réflexion approfondie sur les implications sous-jacentes.  

Un autre enseignement est que le statut de porteur pour une maladie qui se développera plus tard et pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif produit un télescopage du temps : l’avenir devient présent.  Cet amalgame entre présent et futur, induit par la prédiction, peut arrêter le temps et conduire à une attente angoissante de la maladie future. Tout se passe comme si le savoir véhiculé par le résultat du test représentait une forme de destin implacable, non modifiable (le fatum). Les familles concernées par ces maladies génétiques doivent déployer des ressources considérables pour transformer un destin marqué par la fatalité en un devenir potentiel : une vie en devenir qui gardera toujours une part nécessaire pour l’inattendu et l’incertitude et non pas une survie en attente d’un dénouement génétiquement programmé d’avance.  

Aujourd’hui, le législateur, en incluant le conseil génétique aux côtés des mesures de prévention et de soin a ouvert très largement l’accès aux données incidentes et indirectement pour ses apparentés susceptibles d’être concernés. Cependant, dans ces circonstances, l’expérience démontre que le consentement dit éclairé peut se trouver malmené car il est difficile pour les patients/familles de se préparer par anticipation à un résultat potentiel d’une maladie inconnue jusqu’à lors dans la famille.  

Conclusion
Les avancées de la génétique participent au travail de prévention. Cependant la question qui se pose aujourd’hui est celle des nouvelles formes d’accompagnement des personnes. Il y a dans ce sens tout un chantier à réaliser pour que les progrès de la génétique ne conduisent pas à une société marquée par le sceau de l’inquiétude et de l’angoisse d’anticipation.


Références
Houdayer, F., Putois, O., Babonneau, M. L., Chaumet, H., Joly, L., Juif, C., Charron, P. Gargiulo M*. & Faivre L. (2019). Secondary findings from next generation sequencing: Psychological and ethical issues. Family and patient perspectives. European Journal of Medical Genetics. 
https://doi.org/10.1016/j.ejmg.2019.103711 

Gargiulo, M., Tezenas du Montcel, S., Jutras, M. F., Herson, A., Cazeneuve, C., & Durr, A. (2017). A liminal stage after predictive testing for Huntington disease. Journal of Medical Genetics, jmedgenet–2016–104-199. https://doi.org/10.1136/jmedgenet-2016-104199  

 

 


Françoise Robert (Houdayer) (PhD), psychologue clinicienne, Service de génétique, Centre de référence Anomalies du Développement, Hospices Civils de Lyon, Bron, France  

Marcela Gargiulo, PU Université Paris Cité, psychologue clinicienne, Service de Neuromyologie et Dept de Génétique, Hôpital Pitié Salpetrière.