Les découvertes fortuites : regards croisés entre radiologie et génétique médicale

L’imagerie et la génétique médicales sont des spécialités profondément unies par le pont de l’éthique, comme l’illustre la problématique des découvertes fortuites. Ces découvertes (ou incidentalomes) sont la mise en évidence par hasard (donc sans anticipation) d’une anomalie sur un acte à visée diagnostique. En imagerie médicale, les incidentalomes sont fréquents (avec une importante variabilité en fonction de l’âge de la personne, de l’organe concerné et de la modalité d’examen) mais leur gravité potentielle est globalement faible. Ils peuvent cependant entrainer des conséquences individuelles (physiques, psychiques) et collectives (cascade d’examens, surcoût pour le système de santé) non négligeables.
éthique regard croisé

En génétique médicale, le séquençage de nouvelle génération (NGS) peut permettre d’identifier des variants dans tous les gènes impliqués en pathologie humaine. Certains de ces variants ne répondent pas à la question médicale posée par la demande d’analyse malgré une pathogénicité supposée. Ces données sont regroupées sous le terme de données additionnelles (1). Ce sont des situations fréquentes en génétique médicale et dont la prévalence ne va faire qu’augmenter avec l’essor des connaissances médicales.  

Face à cette problématique complexe, l’anticipation et la communication (2) sont les deux actions au cœur de l’agir éthique.  

L'anticipation présente une complexité particulière puisqu'elle s'inscrit dans deux temporalités distinctes dans la relation entre le patient et le soignant. Le premier temps sera celui de la demande médicale guidée par des hypothèses cliniques.

Cela pourra aussi être un temps d’information sur les risques de découverte fortuites d’autant plus si c’est un examen non limité (exploration corps entier ou analyse pangénomique).

Cette information peut avoir pour média un support écrit et nécessiter le recueil du consentement du patient pour l’analyse. Il apparait alors crucial d’exprimer l'impossibilité d'estimer a priori le rapport bénéfice/risque de telles découvertes fortuites. Le second temps vient après la réalisation de l’examen. L’interprétation de l’examen doit être guidé par le contrat établi avec le patient lors de la prescription, selon un modèle de décision partagée. Le généticien médical consulte et peut ainsi informer en amont de l’acte diagnostique génétique. Les pratiques sont plus variables en radiologie.  

La communication honnête et pertinente des découvertes fortuites est un enjeu crucial pour les personnes concernées. Son efficience repose sur sa performativité, c’est-à-dire sa capacité à aboutir à une action pertinente (orientation du patient, conseil génétique…). L’identification de la situation de découverte fortuite (analyse du contexte, anamnèse) et l’étude de la significativité clinique de l’incidentalome (aucune conséquence, conséquences potentiellement graves, conséquences incertaines) précèdent la communication, qui devrait être systématique et structurée pour aboutir à une prise en soins adaptée à la situation. Radiologues et généticiens médicaux sont, par leurs activités diagnostiques respectives, les plus légitimes à orienter et accompagner leurs patients face aux découvertes fortuites générées. 

Commune aux deux spécialités, la problématique des découvertes fortuites impose de réfléchir à la pédagogie entreprise pour former les jeunes à ce sujet, et même au-delà, à la population générale par le biais de l’éducation sanitaire. Depuis 2019, le CERF propose aux internes de radiologie une formation spécifique sur les découvertes fortuites dans le cadre du DES. En génétique médicale, les notions de données additionnelles faisant partie de la pratique quotidienne notamment par le biais de leur mention sur le consentement, le CNEPGM1 y forme depuis 2018 les internes dès le début de leur internat à travers les enseignements théoriques du DES. Le défi de leur communication est abordé au cours de consultations simulées avec supervision d’équipes multidisciplinaires (médecins seniors, psychologues, familles de patients, professionnels de la communication, etc.). 

Une transversalité entre nos deux spécialités est à développer, autour d’axes en évolution comme la radiogénomique, les dépistages ciblés, la médecine diagnostique opportuniste, etc. Les initiatives des des sociétés respectives (Journées Francophones de Radiologie, groupe de travail Ethique de la Fédération Française de Génétique Humaine) et les moments de formation des internes sont des évènements de choix pour opérer ce rapprochement.  

 

Références 

(1) Green R., Berg J., Grody W. et al. ACMG recommendations for reporting of incidental findings in clinical exome and genome sequencing. Genet Med 15, 565–574 (2013). 

(2) Anticipate and Communicate: Ethical Management of Incidental and Secondary Findings in the Clinical, Research, and Direct-to-Consumer Contexts. Report of the Presidential Commission for the Study of Bioethical Issues - December 2013. 
 

 

 

Romain Pommier (Radiologue, Olympe Imagerie, hôpital privé d’Antony)

Clément Sauvestre (Interne de génétique médicale au CHU de Bordeaux, Vice-Président de la SIGF (Société des internes et jeunes Généticiens de France))