La radiologie interventionnelle a aussi une place avant la naissance : L’exemple de l’embolisation in utero d’une malformation de la veine de Galien Interventionnel

La malformation anévrysmale de la veine de Galien (MAVG) est la principale malformation vasculaire cérébrale congénitale, représentant environ 30% de toutes les malformations vasculaires pédiatriques. Cette malformation se forme dans la période embryonnaire et peut-être visible à l’échographie du deuxième ou du troisième trimestre. Si son diagnostic est une situation exceptionnelle, sa gravité entraine une défaillance cardiaque à la naissance chez deux tiers des nouveaux nés porteurs de cette malformation et peut entrainer leur décès (1). Elle peut en outre avoir de graves conséquences sur le développement cérébral. Passée cette période, de lourdes séquelles neurologiques et un retard développemental sont fréquents. Leur prise en charge est pluridisciplinaire, impliquant des gynécologues obstétriciens, des réanimateurs, cardiologues, neurochirurgiens, neuropédiatres et neuroradiologues.

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Les options proposées par les équipes soignantes, au moment de la découverte anténatale de la MAVG, comportent une surveillance de la tolérance cardiaque et cérébrale durant la fin de la grossesse, un accouchement en milieu spécialisé permettant, le cas échéant, une embolisation dès la naissance dans les formes les plus graves.

Malgré les progrès, entre autres, des traitements médicaux et des techniques endovasculaires, les formes les plus graves ont une mortalité de près de 80% et les options thérapeutiques sont limitées. Ces options comportent la possibilité d’une interruption thérapeutique de grossesse ou, à la naissance, selon les cas, une limitation des soins en cas de lésions cérébrales irréversibles ou un traitement de neuroradiologie par embolisation.

Dans ces formes à haut risque de développement de lésions cérébrales en fin de grossesse ou de défaillance néonatale, une nouvelle option, un traitement anténatal de la MAVG, a été mise en œuvre pour la première fois en 2022 à l’Hôpital Necker Enfants Malades (Paris). Un diagnostic de MAVG a été posé à un âge gestationnel de 31+4 semaines, sans atteinte cardiaque ou cérébrale foetale irréversible. Une IRM fœtale a identifié des éléments anatomiques de la MAVG associés, dans la littérature, à un risque de près de 90% de défaillance et/ou de décès à la naissance (2). La famille a été clairement informée de cette évolution probable et de la possibilité d’une interruption thérapeutique de grossesse dans une telle situation. Les principes d’un traitement anténatal ont également été expliqué, ainsi que les incertitudes concernant son efficacité et son innocuité. La proposition d’intervention anténatale a été accepté par la famille et mise en œuvre à un âge fœtal de 33 semaines d'âge gestationnel. 
L’intervention impliquant des gynécologues obstétriciens et des neuroradiologues interventionnels, au bloc de thérapeutique anténatale, a été réalisée sous anesthésie péridurale maternelle et anesthésie générale du fœtus.  Celui-ci a été mobilisé par version externe, de manière à obtenir une présentation en siège et une tête fœtale semi-fléchie. 

Cette position a permis de positionner une aiguille 18G sous guidage échographique, à travers successivement la peau maternelle, la paroi utérine, la fontanelle postérieure fœtale, au sein du torcular. Toujours sous guidage échographique, un microcatheter a été avancé sur son microguide, par la lumière de l’aiguille 18G jusque au sein de la veine de Galien. L’oblitération partielle (500 cm de fils de platine) de celle-ci a permis d’obtenir un net ralentissement de la malformation, constaté en doppler.

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foetal

L’intervention, d’une durée courte (moins de 30 minutes), n’a comporté aucune complication, ni pour la mère ni pour le fœtus. La grossesse s’est poursuivie avec une nette amélioration des fonctions cardiaques foetales et une réduction des dimensions des veines impliquées dans la MAVG mesurées en IRM. Cinq semaines plus tard, le nourrisson est né à terme par voie basse. Le poids de naissance était de 3255g et l’IRM cérébrale à la naissance ne montrait pas de lésions cérébrales. Une embolisation, cette fois via l’artère fémorale, a été réalisée au 5ème jour de vie, du fait de l’apparition d’un retentissement cardio-respiratoire puis au 67ème jour de vie, permettant une guérison complète de la malformation. En septembre 2023, à l’âge de 11 mois, cet enfant a un examen neurologique et cardiaque normal et se développe conformément aux enfants de son âge.  

La préparation de cette première embolisation in utéro a bénéficié de nombreux échanges avec l’équipe de Boston (Pr Daren Orbach) (3), qui a depuis réalisé la première intervention similaire au cours du premier trimestre 2023 (4).

Cette intervention ouvre de nouvelles options thérapeutiques anténatales pour ces malformations anévrysmales de la veine de Galien, semblant comporter un risque limité pour la mère comme pour le fœtus et la poursuite de la grossesse. Elle pourrait permettre de prévenir, chez certains fœtus à haut risque, l’apparition de graves conséquences cérébrales au cours du troisième trimestre et réduire le risque de défaillance cardiaque et de décès à la naissance.
 

1.    Lecce F, et al. Cross-sectional study of a United Kingdom cohort of neonatal vein of galen malformation: Vein of Galen Malformation. Ann Neurol. 2018;84:547–555.
2.    Arko L, et al. Fetal and Neonatal MRI Predictors of Aggressive Early Clinical Course in Vein of Galen Malformation. AJNR Am J Neuroradiol. 2020;41:1105–1111. 
3.    See AP, et al. Percutaneous transuterine fetal cerebral embolisation to treat vein of Galen malformations at risk of urgent neonatal decompensation: study protocol for a clinical trial of safety and feasibility. BMJ Open. 2022;12:e058147.
4.    Orbach DB, et al. Transuterine Ultrasound-Guided Fetal Embolization of Vein of Galen Malformation, Eliminating Postnatal Pathophysiology. Stroke 2023;54.