La radiologie au féminin - la spécialité n’est pas attractive pour les femmes

Lors des JFR 23 deux temps de parole ont été consacrés aux femmes en radiologie. Le constat est accablant : la radiologie n’est pas attractive pour les femmes. Alors que le pourcentage de femmes qui entrent dans un cursus médical ne cesse d’augmenter (66% en 2023,) seule la radiologie ne voit pas progresser au même rythme son taux de femmes (38%) et seulement 25% se destinent à la Radiologie Interventionnelle, et ce à l’opposé de spécialités traditionnellement « masculines » comme l’urologie ou la chirurgie orthopédique. Pourquoi est-ce un problème ?

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Il est montré que la diversité au sein de l’entreprise est un atout majeur pour tous les secteurs d’activité en terme de performance et de développement, et en particulier, les qualités d’écoute, de travail d’équipe et de vision à long terme des femmes sont un plus : la radiologie se prive de ces talents.

Pour y remédier nous devons nous poser la question des raisons de ce « non choix ». Ces raisons ne sont pas d’ordre essentiel. Aucune différence structurelle entre hommes et femmes ne le justifie. Elles sont d’ordre secondaire liées à des biais cognitifs/éducatifs bien ancrés dans les mentalités des hommes mais aussi des femmes elles-mêmes, et en rapport direct avec leur éducation.

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Comme rapporté par Valentine De Lasteyrie (1), les femmes s’autocensurent, victimes du syndrome de l’imposteur et subissent de plein fouet une triple injonction qu’elles s’imposent ou qui s’impose à elles : être une mère parfaite, une femme séduisante et une professionnelle irréprochable. La représentation dans la société de l’ambition féminine n’est pas, comme pour les hommes, vécue positivement et bien au contraire elle les dessert fréquemment.  Le choix d’une spécialité par les étudiants de médecine se fait souvent par identification à un exemple ou un mentor. Hors peu de femmes radiologues sont actuellement en responsabilité pour servir d’exemple à nos jeunes étudiants. L’enquête menée par le CERF en juin 2023 (2) montre que la radiologie est perçue au cours des études médicales comme une spécialité « technique », moins attrayante pour les femmes qui se sentent moins « aptes » que les hommes, comme pour tous les secteurs de l’ingénierie. Les difficultés d’exercice au cours de la grossesse et particulièrement les risques liés à l’exposition aux rayons X sont un autre facteur de non-choix à un moment de la vie ou les femmes s’engagent à la fois dans une carrière personnelle et une vie de couple. 
C’est à nous radiologues hommes et femmes – et pas seulement aux femmes- de modifier l’écosystème actuel pour permettre rapidement l’accès des femmes à la radiologie. ll conviendrait de mieux « représenter » la radiologie au cours du cursus des étudiantes afin de chasser les idées préconçues. Encore faudrait-il que ce soient les radiologues qui enseignent la radiologie…, et avec une proportion accrue de radiologue femmes. En effet, utiliser une console d’interprétation de scanner ou d’IRM n’est pas plus compliquée qu’une navigation sur un compte Instagram. Le radiologue ne travaille plus seul dans le noir face à des films argentiques, et le « tube de Coolidge » et les courbes d’atténuation des RX sont plus du ressort de la culture qu’une préoccupation quotidienne. La radiologie est une spécialité d’interface à haute valence relationnelle car elle exige de faire le grand écart entre explications éclairées aux patients et discussions avec les médecins demandeurs.

C’est également devenu un travail d’équipe entre radiologues, manipulateurs en radiologie et secrétariat.  La variété de l’exercice radiologique est immense et autorise une gestion personnalisée du temps de travail. Cet élément rend notre métier hautement compatible avec une qualité de vie personnelle et familiale revendiquée par les hommes et les femmes de la génération « z » comme le montre l’enquête du CERF. Il faut savoir écouter les plus jeunes d’entre nous pour donner corps à de nouvelles organisations. Ils et elles sont l’avenir de notre spécialité. Reste la question de « travail et grossesse » en particulier pour la radiologie interventionnelle. Il est très mal vécu pour les femmes de faire supporter au reste de l’équipe le surcroit de travail que leur absence d’exposition temporaire aux RX implique. A ce propos l’attitude nord-américaine et de beaucoup d’autres pays est beaucoup moins contraignante et les femmes radiologues travaillent beaucoup plus longtemps enceintes et protégées. Et puis ne serait-il pas de notre devoir sociétal de demander avec vigueur que notre système de santé prenne à sa charge le financement du remplacement des femmes en congés maternité et que le congé de maternité légal (16 semaines pour les 1er et 2ème  enfants, 26 semaines au-delà) soit un droit inscrit dans les clauses des contrats libéraux d’exercice et non, hélas, une option libre « fortement recommandée » comme le souligne la présidente du conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône.  Pour accélérer les changements nécessaires, nous devons développer le mentorat envers les jeunes femmes radiologues, leur redonner confiance et les accompagner tout le long de leur carrière.


Enfin, Claudia Goldin, lauréate du Prix Nobel d’économie 2023 souligne que la cause principale de limitation à la carrière des femmes repose sur les 11h hebdomadaires de « tâches ménagères » que les femmes effectuent, tout niveau social et professionnel confondu. Il est temps que les hommes retroussent leurs manches aussi à la maison ! A nous de faire évoluer positivement les mentalités !

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1. Membre de Sista, le collectif de femmes pour imposer la mixité dans l'économie numérique invitée à l’agora pour la session « Femmes et carrière hospitalo-universitaire »
2. Enquête réalisée par le CERF sous la direction de Sophie Aufort, responsable de la session des JFR : « la radiologie au Féminin »