IRM et psychiatrie : du diagnostic différentiel à la médecine prédictive
L’imagerie cérébrale joue un rôle clé en psychiatrie, notamment pour exclure des causes neurologiques sous-jacentes aux troubles psychiatriques. Son utilisation reste cependant encore limitée en pratique courante, bien qu’elle connaisse des avancées majeures, en particulier grâce aux techniques d’imagerie avancée et au développement de l’intelligence artificielle.

L’imagerie cérébrale pour le diagnostic différentiel en psychiatrie
L’une des premières indications de l’imagerie cérébrale en psychiatrie est l’exclusion d’une pathologie neurologique pouvant expliquer une symptomatologie psychiatrique. Plusieurs études rétrospectives ont montré que des anomalies macroscopiques sont retrouvées dans 1 à 60 % des cas selon les populations étudiées, avec une modification du diagnostic initial dans 1 à 20 % des situations. Toutefois, ces études sont anciennes, hétérogènes et rétrospectives, ce qui limite leur portée.
De plus, il a été démontré que l’amélioration des protocoles d’imagerie, notamment en ajustant les paramètres des séquences IRM et en optimisant les demandes d’examens selon le contexte clinique, permet de détecter davantage de lésions pertinentes
En pratique, les indications de l’imagerie cérébrale en psychiatrie incluent :
- Le premier épisode psychotique ;
- Un âge de début inhabituel pour un trouble psychiatrique donné ;
- L’existence de signes neurologiques associés ;
- La présence d’anomalies cognitives marquées ;
- Une évolution inhabituelle du trouble psychiatrique ;
- Une résistance aux traitements psychiatriques standards ;
- L’évaluation avant un traitement par électroconvulsivothérapie (ECT).
L’apport de l’imagerie avancée dans la compréhension des troubles psychiatriques
Les techniques d’imagerie cérébrale ont permis d’identifier des modifications structurelles et fonctionnelles dans plusieurs troubles psychiatriques, notamment dans la schizophrénie, la dépression et les troubles bipolaires.
Chez les patients souffrant de leur premier épisode psychotique, des altérations ont été observées dans des structures impliquées dans le traitement cognitif et émotionnel, telles que l’insula, le cortex cingulaire antérieur et le gyrus temporal supérieur. Ces anomalies semblent évoluer au fil du temps, ce qui suggère un processus neuroprogressif chez certains patients.
L’imagerie fonctionnelle (IRMf) et la spectroscopie par résonance magnétique permettent aussi d’étudier les altérations biochimiques cérébrales, comme les déséquilibres du glutamate et du GABA, qui jouent un rôle dans la physiopathologie des troubles psychotiques et de l’humeur.
Vers une approche plus prédictive et personnalisée
Plutôt que d’utiliser l’imagerie pour classifier un patient comme malade ou non malade, son intérêt en psychiatrie réside plutôt dans la prédiction de l’évolution clinique et la personnalisation des traitements.
- L’imagerie pourrait permettre d’identifier les patients à haut risque d’évolution défavorable, notamment dans les psychoses débutantes ou les dépressions résistantes.
- Certaines études suggèrent que l’imagerie peut aider à prédire la réponse aux traitements, en identifiant des biomarqueurs de réponse aux antidépresseurs, aux benzodiazépines dans la catatonie, ou encore à l’électroconvulsivothérapie (ECT).
- L’intégration de données multimodales (IRM structurelle, IRMf, EEG, biomarqueurs sanguins) pourrait améliorer la capacité de prédiction et permettre une psychiatrie plus individualisée.
Applications en pratique clinique et perspectives
Si l’imagerie cérébrale est un outil incontournable pour exclure des causes neurologiques en psychiatrie, son intégration dans la prise en charge des troubles psychiatriques reste encore limitée. Plusieurs pistes sont à l’étude :
- Amélioration des demandes d’IRM : fournir des informations plus précises aux neuroradiologues permet une meilleure interprétation des résultats et une optimisation des séquences d’imagerie.
- Développement de l’imagerie fonctionnelle et métabolique : mieux comprendre la physiopathologie des troubles psychiatriques et prédire l’évolution clinique.
- Utilisation croissante de l’intelligence artificielle pour analyser des données complexes, mais en complément des connaissances cliniques, et non en remplacement de l’évaluation psychiatrique.
Ainsi, l’avenir de l’imagerie en psychiatrie repose sur une meilleure intégration des avancées technologiques dans la pratique clinique, permettant une approche plus précise, prédictive et personnalisée des soins en santé mentale.
Références :
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Blackman, Graham, Giulia Neri, Omar Al-Doori, Maria Teixeira-Dias, Asif Mazumder, Thomas A. Pollak, Emily J. Hird, et al. « Prevalence of Neuroradiological Abnormalities in First-Episode Psychosis: A Systematic Review and Meta-Analysis ». JAMA Psychiatry 80, no 10 (1 octobre 2023): 1047‑54. https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2023.2225.
Amad, Ali, Aïda Cancel, et Thomas Fovet. « L’imagerie cérébrale en psychiatrie clinique: du diagnostic différentiel au machine learning ». L’information psychiatrique 92, no 4 (2016): 277‑84.
Pr Ali Amad
Professeur de psychiatrie, Université de Lille, CHU de Lille