Imagerie avancée et troubles bipolaires
Les troubles bipolaires sont une pathologie fréquente, affectant plus de 1% de la population adulte et responsable d’un important retentissement physique et psychologique pour les patients et leur entourage. Leur physiopathologie est mal comprise et leur diagnostic clinique difficile à faire en l’absence de biomarqueur objectif permettant de le confirmer avec certitude. En cas de diagnostic précoce, une prise en charge adaptée permet de réduire la morbi-mortalité qui leur est associée.

L’émergence de techniques avancées d’imagerie représente un espoir pour identifier les mécanismes impliqués dans la survenue des troubles bipolaires, afin de les distinguer des autres troubles psychiatriques d’une part, et si possible de repérer des cibles thérapeutiques. En permettant de manière non invasive l’analyse indirecte de la connectivité fonctionnelle cérébrale, l’IRM fonctionnelle de repos (IRMf-r) apparaît en première ligne dans la poursuite de cet objectif.
De nombreuses études d’IRMf-r ont montré une implication de l’amygdale, générant les émotions, et du cortex pré-frontal, les régulant, dans la physiopathologie du trouble bipolaire (1, 2). Nous avons analysé (3) les circuits fonctionnels de la régulation émotionnelle à partir des sous-noyaux de l’amygdale, en fonction de l’état thymique des patients atteints de bipolarité. Nous avons noté une diminution de la connectivité fonctionnelle entre l’amygdale latérale et l’hippocampe dans le sous-groupe de patients dépressifs, et une augmentation de la connectivité entre l’amygdale médiale et le noyau accumbens dans le sous-groupe de patients maniaques. L’ensemble permet de confirmer l’existence de réseaux fonctionnels spécifiques issus de différents sous-noyaux amygdaliens et sous-tendant les différentes valences émotionnelles.
De nombreuses études d’IRMf-r ont montré une implication de l’amygdale, générant les émotions, et du cortex pré-frontal, les régulant, dans la physiopathologie du trouble bipolaire (1, 2). Nous avons analysé (3) les circuits fonctionnels de la régulation émotionnelle à partir des sous-noyaux de l’amygdale, en fonction de l’état thymique des patients atteints de bipolarité. Nous avons noté une diminution de la connectivité fonctionnelle entre l’amygdale latérale et l’hippocampe dans le sous-groupe de patients dépressifs, et une augmentation de la connectivité entre l’amygdale médiale et le noyau accumbens dans le sous-groupe de patients maniaques. L’ensemble permet de confirmer l’existence de réseaux fonctionnels spécifiques issus de différents sous-noyaux amygdaliens et sous-tendant les différentes valences émotionnelles.
Nous avons également évalué (4) les anomalies de connectivité fonctionnelle interhémisphérique chez les patients bipolaires, plus particulièrement entre des régions fronto-limbiques et leurs homotopiques controlatéraux. Nous avons observé une diminution significative de la connectivité chez les patients atteints de troubles bipolaires dépressifs en comparaison aux non dépressifs, entre les gyri frontaux supérieurs gauche et droit et entre les pôles temporaux moyens gauche et droit.
Une augmentation significative de la connectivité a également été observée chez les patients atteints de bipolarité avec vs. sans antécédents psychotiques entre les pôles temporaux supérieurs gauche et droit. Les diminutions spécifiques de connectivité interhémisphérique impliquant le gyrus frontal supérieur et le pôle temporal moyen chez les patients atteints de troubles bipolaires dépressifs pourraient être en rapport avec des altérations du traitement cognitif et émotionnel, tandis que son augmentation dans le pôle temporal supérieur pourrait être impliquée dans les hallucinations auditives et verbales chez les patients présentant des antécédents de symptômes psychotiques. Notre étude objective une perturbation des connexions interhémisphériques dans le trouble bipolaire en fonction des caractéristiques cliniques.
Par ailleurs, dans les deux articles pré-cités, nous n’avons pas trouvé de différence entre groupe complet de patients bipolaires et sujets contrôles, et avons constaté des similitudes entre les anomalies de connectivité identifiées dans les sous-groupes de patients (dépressifs d’un côté et maniaques de l’autre) et d’autres pathologies psychiatriques (dépression unipolaire et schizophrénie, respectivement). Ces constatations incitent à penser que ces anomalies seraient plus en rapport avec une symptomatologie qu’avec un trait de la maladie bipolaire. Elles plaident également pour la prise en compte de l’hétérogénéité des patients bipolaires et pour l’intérêt d’inclure des sous-groupes homogènes en termes d’état thymique, ainsi que pour une approche dimensionnelle plutôt que catégorielle des pathologies thymiques et psychotiques.
De manière similaire au protocole SAINT dans la dépression unipolaire, nous espérons également que nos résultats ouvriront la voie à des stimulations magnétiques ciblées, centrées par exemple sur les voxels les plus fortement connectés avec les sous-noyaux médiaux et latéraux de l’amygdale chez les patients bipolaires maniaques et dépressifs respectivement.
L’arrivée des IRM à très haut champ (7T) devrait enfin permettre de mieux analyser les dysfonctions de connectivité émergeant des sous-noyaux amygdaliens, affinant les mécanismes physiopathologiques de ces troubles, et permettant d’obtenir de nouvelles cibles thérapeutiques (stimulation magnétique ou neurofeedback personnalisé).

Fig 1. Segmentation des sous-noyaux de l’amygdale latéral et médial (lAMY, mAMY), de l’hippocampe antérieur et postérieur (aHIP, pHIP) et du noyau accumbens central et périphérique (NAc-core, NAc-shell), droits et gauches (rh, lh)

Fig 2. Modifications de connectivité fonctionnelle entre les noyaux sous-corticaux étudiés au sein des populations de patients atteints de trouble bipolaire maniaques vs non-maniaques, et dépressifs vs non-dépressifs.
- Favre P, Baciu M, Pichat C, Bougerol T, Polosan M. fMRI evidence for abnormal resting-state functional connectivity in euthymic bipolar patients. J Affect Disord. 2014 Aug;165:182-9. doi: 10.1016/j.jad.2014.04.054.
- Strakowski SM, Adler CM, Almeida J, Altshuler LL, Blumberg HP, Chang KD, et al. The functional neuroanatomy of bipolar disorder: a consensus model. Bipolar Disord. 2012 Jun;14(4):313-25. doi: 10.1111/j.1399-5618.2012.01022.x.
- Krystal S, Gracia L, Piguet C, Henry C, Alonso M, Polosan M, Savatovsky J, Houenou J, Favre P. Functional connectivity of the amygdala subnuclei in various mood states of bipolar disorder. Mol Psychiatry. 2024 Nov;29(11):3344-3355. doi: 10.1038/s41380-024-02580-y. Epub 2024 May 9. PMID: 38724567.
- Krystal S*, Rogé N*, Piguet C, Henry C, Alonso M, Polosan M, Savatovsky J, Houenou J, Favre P. Interhemispheric resting-state functional connectivity in bipolar disorder. In prep
Dr Sidney KRYSTAL
Hôpital-Fondation A. de Rothschild, service de Neuroradiologie diagnostique, 75019 Paris
Centre d’Imagerie Diderot, 75012 Paris