Enseigner la neuroradiologie au Cambodge : partage d'expérience et perspectives

L’enseignement et le partage de connaissances fait partie des missions des médecins hospitalo-universitaires. C’est une expérience incroyable que d’enseigner dans un pays étranger, notamment un pays en développement, dans sa langue maternelle, un engagement volontaire, bénévole, extrêmement appréciable et utile pour les personnes formées mais aussi pour soi. Il permet de prendre du recul sur notre façon d’enseigner mais aussi sur nos organisations professionnelles. Le partage de valeurs et de compétences contribue à améliorer les conditions d'apprentissage des élèves et participe indirectement à l’amélioration de la prise en charge des patients.  
Cambodge

J’ai eu la chance de partir début novembre enseigner la neuroradiologie au Cambodge, à Phnom Penh, la deuxième fois en dix ans. La première fois, au cours du mois de février 2018, il s’agissait d’une mission soutenue par l’Association pour le Développement Médical et l’Aide Humanitaire au Cambodge, présidée par le Dr Chin Mey (radiologue et ancien directeur de l’hôpital Khmero-soviétique). L’objectif était une formation pratique à 3 niveaux : l’apprentissage des gestes simples de radiologie interventionnelle, l’optimisation de séquences (comme la perfusion et la spectroscopie pour l’étude des tumeurs cérébrales) avec un temps dédié sur console avec les médecins et les manipulateurs, et une conférence plénière avec le monde de la santé sur l’histoire de la radiologie, les perspectives et la place de l’imagerie dans le parcours des patients.  

En novembre 2023, la mission d’enseignement était soutenue par la Société Française de Radiologie présidée par la Professeure Marie-France Bellin et la Commission des Relations Internationales de la Radiologie Française, présidée par le Professeur Jean-Pierre Tasu. Les cours ont eu lieu tous les jours à l'hôpital de Calmette, dirigé depuis peu par le Professeur Sonya Kong, ancien chef de service de radiologie, ami de longue date de la SFR, homme remarquable par sa bienveillance et son investissement pour le Cambodge. Une trentaine d’internes de niveau différents (équivalent des internes socle, approfondissement et consolidation) et quelques séniors installés dans différents hôpitaux et cliniques de la ville, assistaient au cours. Au total j'ai eu le privilège d'enseigner 8 cours dont un sur les urgences neuroradiologiques car les jeunes médecins y sont souvent confrontés en garde. Il est intéressant de noter que les gardes d’internes ne sont pas ou très peu rémunérées au Cambodge et que le repos compensateur n’existe pas. Les internes n’osent pas toujours prendre la parole, probablement du fait de la barrière de la langue et peut-être aussi par crainte de ne pas répondre correctement devant leur co-internes. Le fait d’introduire des cas cliniques à chaque cours avec une proposition de questions/réponses et l’utilisation d’un pointeur laser circulant parmi les étudiants a permis d’avancer ensemble dans la bonne humeur, en déclenchant l’interactivité. Il me semble que les cours ont été appréciés par toutes les personnes présentes et le retour du Pr. Sonya Kong ainsi que d’anciens faisant fonction d’interne formés à Lyon, Socheat Chum et Leangsing Iv, a aussi été très bon.  

L'accueil, comme dans tous ces pays d'Asie du Sud-Est, reste exceptionnel. Les invitations fusent après les cours, toujours avec le sourire et avec beaucoup de générosité. Cela permet de nouer des liens forts avec les équipes médicales et imaginer de futures collaborations et accueil d’internes en France sur des besoins ciblés des pays. J'ai interrogé les internes sur ce qu’ils souhaitaient pour de futurs enseignements. Ils sont unanimes sur l’interactivité, les échanges sur des cas concrets, le raisonnement, les recommandations, les pratiques. A l’hôpital de Calmette, une fois par semaine, les internes de toutes spécialités assistent à des cours gratuits en visioconférence par des anglo-saxons (américains, canadiens ou australiens…). Cela fait partie de la transmission du savoir et de la langue. Je pense que nous sommes en retard sur ce point. Peut-être faudrait-il proposer un accès gratuit aux internes de ces pays (ou imaginer un abonnement par établissement) à des conférences ou des cas cliniques, comme ceux très bien faits des JFR 365, afin de ne pas oublier la belle langue Française.