Échographie abdominale aux urgences : incontournable outil diagnostique à l’ère du scanner low-dose

L'échographie abdominale est une modalité d'imagerie non invasive qui joue un rôle crucial dans la prise en charge des urgences. Mais avec l’émergence de la téléradiologie qui prend une place importante, le nombre d’échographie d’urgence faite en soirée (20h-minuit) a significativement diminué au sein de la région Poitou-Charentes de 2021 à 2023
siad jfr

De gauche à droite : Dr Jérôme Danion, Dr Guillaume Herpe, Dr Pierre-Alexandre Poletti et le Pr Jean-Pierre Tasu.

L'échographie abdominale est une modalité d'imagerie non invasive qui joue un rôle crucial dans la prise en charge des urgences. Mais avec l’émergence de la téléradiologie qui prend une place importante, le Dr Guillaume Herpe, PH dans le service de radiologie au CHU de Poitiers, nous dévoile que le nombre d’échographie d’urgence faite en soirée (20h-minuit) a significativement diminué au sein de la région Poitou-Charentes de 2021 à 2023 (résultats concordant avec l’étude de la FIU de 2016 indiquant 60% des 48 centres hospitaliers ne faisant pas d’échographie en nuit profonde).  
Pourtant l’échographie a une place dans l’imagerie d’urgence puisque qu’elle reste recommandée par les sociétés savantes internationales. C’est un outil de choix pour la gestion des affections abdominales aux urgences, notamment très performant pour l’appendicite (population pédiatrique et les femmes en âge de procréer). Bien que rapide, non irradiant, économique, et accessible, la qualité de l'échographie dépend grandement de l'opérateur, où une inexpérience peut entraîner des résultats moins précis. L’apparition de l’échographie faite « au lit du malade » ou le POCUS (point-of-care sonography) augmente dans d’autres spécialités telles que les urgentistes. Ceci pourra aider à améliorer et augmenter la performance des demandes de scanners. Selon une étude récente de 2023 publiée dans European Radiology, la performance clinique avant de prescrire un scanner baisse, avec une hausse du nombre de scanner ; ainsi le POCUS pourrait être une étape intermédiaire pour augmenter la performance des cliniciens afin de « mieux » prescrire les scanners derrière si besoin.  
 
Parallèlement, l'évolution technologique a introduit le scanner low-dose (voir ultra low-dose) comme un complément prometteur à l'échographie traditionnelle dans les situations d'urgences qui peut offrir une meilleure résolution et un diagnostic plus précis que l'échographie.
À Genève, Le Dr Pierre-Alexandre Poletti propose de faire réaliser un scanner lowdose en première intention à tous les patients de plus de 50 ans ayant des douleurs en fosse iliaque droite ; et en 2ème intention pour les femmes en âge de procréer si l’échographie est non concluante.  
Pour les suspicions de colique néphrétique simple, les guidelines indiquent une échographie (complétée d’une ASP) en première intention. Mais à Genève, le Dr Poletti s’est aperçu qu’en suivant ces recommandations, 51% des patients finissait par avoir un scanner, ce qui l’a amené à faire réaliser un scanner low-dose en première intention (à l’exception des femmes enceintes).  
Dans ces deux situations cliniques le scanner low-dose présente les mêmes performances que le scanner à dose standard, à l’exception d’une sensibilité plus faible pour la détection de calculs inférieurs à 3mm.  
Pour les femmes enceintes ayant une suspicion de colique néphrétique, l’échographie reste l’examen à réaliser en première intention, mais le Dr Poletti préconise de faire un scanner low-dose si l’échographie est non concluante plutôt qu’une IRM car aucun risque n’a été rapporté au fœtus pour une dose délivrée inférieur à 5-10mSv.  
 
La collaboration entre radiologues et chirurgiens est vitale en particulier lorsqu’un patient présente des douleurs abdominales aiguës nécessitant potentiellement une intervention chirurgicale. Le Dr Jérôme Danion, PH en chirurgie viscérale et digestive au CHU de Poitiers, nous rappelle que cette confiance passe par un compte-rendu structuré et uniforme, et même standardisé, permettant de donner un diagnostic positif, mais aussi d’apporter des éléments permettant d’anticiper des difficultés opératoires.  
Il nous rapporte deux cas cliniques où une cholécystectomie et une appendicectomie blanche ont été réalisées sur des échographies dont le diagnostic était erroné.  Deux études publiées en 2018 et 2019 dans des revues chirurgicales ont étudiées la performance diagnostique des chirurgiens de cholécystite et d’appendicite en échographie, avec une sensibilité inférieure à celles des radiologues.   Le Dr Jérome Danion souligne également que les appendicites compliquées diagnostiquées en échographie, mérite un complément scanographique afin de mieux évaluer la prise en charge chirurgicale, au vu des complications opératoires plus importantes pour ces appendicites.  
 
En somme, l'échographie abdominale reste essentielle pour les urgences, mais sa fréquence a diminué, en partie à cause de la téléradiologie. Bien que recommandée par les experts pour certaines affections, sa qualité dépend de l'opérateur. Le scanner low-dose émerge comme une alternative prometteuse avec une résolution supérieure dans certaines situations d'urgence. Toutefois, la collaboration entre radiologues et chirurgiens reste primordiale pour assurer des diagnostics précis et éviter des interventions basées sur des diagnostics erronés.