Le dépistage du cancer colorectal : Test immunologique des selles, Coloscopie virtuelle & Co

Le dépistage

Le cancer colorectal (CCR) remplit tous les critères pour la mise en place d'un programme de dépistage de masse.

1) Il représente une menace sérieuse pour la santé publique. En France, avec 43336 nouveaux cas et 17117 décès en 2018, il fait partie des cancers les plus fréquents (3ieme rang chez l’homme et 2ieme chez la femme) et représente la 2ieme cause de décès par cancer (2ieme cause chez l’homme et 3ieme chez la femme). 

2) Il est précédé pendant de nombreuses années par une lésion précancéreuse (le polype adénomateux) qui peut être détectée.
 

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3) Un traitement efficace peut être proposé pendant la période précancéreuse qui consiste à enlever tous les polypes par endoscopie et à suivre les patients par coloscopie optique (CO) à intervalles réguliers de 3 à 5 ans selon le type de polypes. Cette stratégie permet une diminution de 76 à 90% de l'incidence du cancer colorectal. Pour les patients présentant des risques élevés (antécédents personnels ou familiaux) et très élevés (syndromes génétiques), la CO reste la meilleure méthode de dépistage, car elle permet l’identification et l'ablation des polypes en une seule procédure. Pour la population à risque moyen, c’est-à-dire pour le reste de la population >50 ans la CO est une approche invasive avec un coût associé élevé (anesthésie) qui ne remplit pas les critères pour le dépistage de cette population. En France, un test immunologique quantitatif qui détecte le sang dans les selles grâce à des anticorps spécifiques de la globine humaine est proposé tous les 2 ans à toutes les personnes âgées de 50 à 74 ans soit environ 18 millions de personnes. La valeur prédictive positive du test est de 35%. Sa sensibilité est de 60-65% mais sa répétition tous les 2 ans conduit à une sensibilité cumulée de 70 à 80% suffisante pour réduire la mortalité par CCR de 13 à 52%. Ce dépistage se heurte à des barrières psychologiques et seulement 34.6% des personnes éligibles se sont soumises au test en 2020-2021

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La coloscopie virtuelle 
Le coloscanner également appelée coloscopie virtuelle (CV), est une technique d’imagerie au scanner capable de visualiser de façon non invasive la muqueuse colique en 2D MPR et en 3D de surface et donc de repérer les polypes adénomateux et les petits cancers (figure). La CV peut être réalisée rapidement, sans sédation mais elle nécessite toutefois d’effectuer une préparation colique dite séche (différentes de celle effectuée pour une CO à base de ColoPEG) consistant en un régime sans résidu et à la prise de laxatifs la veille de l’examen. Pour améliorer encore les performances de la CV un marquage des éventuels résidus stercoraux et des liquides résiduels dans la lumière colique par l’ingestion de sulfate de barium et d’un produit de contrasté iodé hydroluble la veille de l’examen est effectué. Au moment de l’examen les parois du colon sont déplissées par l’insufflation, à l’aide d’une pompe électrique, de CO2 dans le colon par une sonde rectale. Deux acquisitions opposées (décubitus et procubitus ou décubitus latéral droit et gauche) sans injection de produit de contraste iodé sont effectuées ceci afin de mobiliser de façon différente le CO2, les liquides et les éventuel résidus stercoraux. Du fait de l’absence d’injection de produits de contraste iodés la CV n’a aucune contre-indication sauf celle de ne pas pouvoir s’allonger sur la table du scanner. Un délai de cicatrisation pariétale de quelques semaines est à respecter entre une CO au cours de laquelle une polypectomie sous muqueuse a été réalisée et la CV qui nécessite une insufflation colique. La sensibilité de la CV pour les poly-adénomes > 10 mm équivalente à la CO de l’ordre de 85-90%. Les performances diagnostiques de la CV sont inférieures à celles de la CO pour la détection des lésions planes et des polypes de taille inférieure à 5 mm de diamètre. 

Les indications de la coloscopie virtuelle
La CV n’est pas considérée en France comme une technique de dépistage de masse du CCR car elle est onéreuse, et le parc national de scanner ne permettrait pas d’en faire bénéficier toute la population à risque moyen (18 millions de personne). La CV est néanmoins un examen fort utile en substitution de la CO lorsque cette dernière est indiquée (test immunologique positif, signes clinique évocateurs de lésion colique) mais ne peut pas être effectuée :
- En cas de contre-indication à la CO : comorbidités, essentiellement cardiorespiratoires, compromettant la sécurité de la CO
- En cas d’échec de la CO ou CO incomplète (angle colique infranchissable par le coloscope sans risque de perforation)
- En cas de tumeur du colon sténosante et infranchissable à la recherche d’autres lésions en amont
- Et dans les cas rares de refus de la CO par le patient.
La CV n’est par contre pas recommandée pour les bilans de diverticules ni des maladies inflammatoires du colon. La plupart des pays européens appliquent ces règles d’emploi de la CV. Elles correspondent en France aux recommandations de l’HAS et en Europe aux recommandations de l’ESGAR (Tableau). 
Il est intéressant de noter que 5 compagnies d’assurance dans 37 états américains ont choisi de considérer la CV comme un possible outil de dépistage de masse pour la population à risque moyen. L’Europe, par l’intermédiaire de l’ESGAR ne recommande pas la CV pour le dépistage de la population a risque moyen ou élevé cependant elle admet (avec un niveau de recommandation et de preuve faible) que la CV puisse être proposée comme « test de dépistage du CCR sur une base individuelle, à condition que la personne dépistée soit correctement informée des caractéristiques du test, de ses avantages et de ses inconvénients ». La France ne reconnait pas cette indication qui ne peut donc pas donner lieu à une prise en charge par la sécurité sociale. 
 

Principales recommandation de la société Européenne d’endoscopie gastro intestinale (ESGE) et de la société Européenne d’imagerie gastro intestinale et abdominale (ESGAR)*

  1. Lorsque l'endoscopie est contre-indiquée ou impossible, l'ESGE/ESGAR recommandent la coloscopie virtuelle comme une alternative acceptable et aussi sensible pour les patients présentant des symptômes évocateurs d'un cancer colorectal (recommandation forte, preuves de haute qualité).
  2. L'ESGE/ESGAR recommande d'orienter vers une polypectomie endoscopique les patients présentant au moins un polype de 6 mm de diamètre détecté lors de la CTC. La surveillance par CTC peut être cliniquement envisagée si les patients ne subissent pas de polypectomie (recommandation forte, preuves de qualité modérée).
  3. L'ESGE/ESGAR ne recommandent pas la CTC comme test primaire pour le dépistage de la population ou chez les personnes ayant des antécédents familiaux au premier degré de cancer colorectal. Cependant, elle peut être proposée comme test de dépistage du CCR sur une base individuelle, à condition que la personne dépistée soit correctement informée des caractéristiques du test, de ses avantages et de ses risques (recommandation faible, preuves de qualité modérée).

*Cristiano Spada et al, Clinical indications for computed tomographic colonography: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) and European Society of Gastrointestinal and Abdominal Radiology (ESGAR) GuidelineEur Radiol (2015) 25:331–345 DOI 10.1007/s00330-014-3435-z

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Figure : exemple de polype adénomateux sessile de 10 mm en vue 3D de surface de type endoscopie virtuelle

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Olivier Lucidarme
Sorbonne Université, CNRS, INSERM, Laboratoire d’Imagerie Biomédicale (LIB), AP-HP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 75006, Paris, France.