Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte et prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs

Elles remettent l’église au centre du village, en mettant en avant deux points essentiels :
- l’importance fondamentale de l’examen clinique et l’évaluation du contexte de la douleur
- le caractère « hors sujet » / asymptomatiques de nombre de lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs
Ces recommandations concernent l’épaule non traumatique, stable, non enraidie, non neurologique, hors « drapeaux rouges » (infection, pathologie générale, déficit…). Ciblant in fine le syndrome douloureux sous-acromial et l’arthropathie acromio-claviculaire. Bref la grande majorité des indications de nos examens morphologiques de l’épaule.
La séquence préconisée est la suivante.
1. Tout commence par un bon examen clinique permettant de fixer le cadre suscité, suivi d’une prise en charge basée sur : le « maintien des activités tolérables », le traitement antalgique et AINS (hors contre-indication), l’éducation thérapeutique, et la « réassurance ».
2. En l’absence d’évolution favorable en 4 à 6 semaines, un bilan radiographique est préconisé afin de ne pas méconnaître une arthropathie gléno-humérale ou une pathologie osseuse, et donc se concentrer sur une problématique « extra-articulaire »
3. Un bilan et un traitement doivent être réalisés chez le kinésithérapeute.
4. Ceci peut être complété par « une à deux infiltrations sub-acromiales de dérivés cortisonés, selon une méthode et une procédure choisies par l’opérateur ».
4. En cas de persistance des symptômes, après réévaluation clinique, « si nécessaire à l’orientation diagnostique et thérapeutique », une échographie « par un échographiste expérimenté de l’appareil locomoteur » ou une IRM peut être réalisée. C’est également à ce stade que l’avis spécialisé intervient (rhumato, MPR, médecin du sport, chirurgien).
Cette séquence peut paraître perturbante car très éloignée de la pratique courante, dans laquelle l’examen d’imagerie « de la coiffe » est réalisé assez vite, parfois avec des éléments d’orientation clinique pour le moins minimalistes : « douleur », « coiffe ? », « tendinite ? », « faire pratiquer au cabinet une échographie/IRM de l’épaule ».
La contextualisation de ce travail repose sur le nombre important d’acromioplasties réalisées en France, dont le bénéfice n’est pourtant pas démontré dans la tendinopathie non rompue de la coiffe des rotateurs. « Dans la tendinopathie non rompue de la coiffe des rotateurs, la chirurgie n’a pas démontré son intérêt dans l’état actuel des connaissances et ne peut se discuter qu’en cas d’échec d’une prise en charge médico-fonctionnelle bien conduite. »
Qui plus est dans les suites de prises en charge incomplètes : dans les 18 mois précédent la chirurgie, 1 patient sur 3 n’a pas eu de kinésithérapie, et 1 patient sur 2 n’a pas eu d’infiltration cortisonée.
Comme pour le rachis lombaire 2 et le genouhttps://www.has-sante.fr/jcms/p_3278662/fr/pertinence-de-l-imagerie-en-cas-de-gonalgie-chez-l-adulte 3 , ces recommandations appellent donc à un changement des pratiques en mettant l’accent sur l’approche clinique du médecin généraliste, et la réassurance face à un problème le plus souvent bénin.
En effet, le lien établi entre une douleur inquiétant le patient et des images décrites comme des « lésions » porte à croire que le corps est abîmé, et qu’il ne pourra donc guérir. Ces « fausses croyances », souvent entretenues par les professionnels de santé, sont des facteurs bien identifiés de chronicisation des douleurs 4.
Or des ruptures tendineuses, des épaississements de parois de bourse sous-acromio-deltoidienne, des arthropathies acromio-claviculaires peuvent se rencontrer de manière habituelle chez des sujets asymptomatiques, a fortiori lorsqu’ils avancent en âge. Cela a été identifié dans de nombreuses études. Citons une étude japonaise de 2013 5, dans laquelle les auteurs ont examiné 664 sujets vivant dans un même village. 22% des sujets avaient des ruptures transfixiantes (entre 10% chez les quiquagénaires et 36% chez les octogénaires). Les lésions étaient asymptomatiques dans 2/3 des cas.
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Références
2. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2961499/fr/prise-en-charge-du-patient-presentant-une-lombalgie-commune
3. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3278662/fr/pertinence-de-l-imagerie-en-cas-de-gonalgie-chez-l-adulte
4. Nguyen C, et al. Lombalgie chronique : facteurs de passage à la chronicité. Revue du Rhumatisme 76 (2009) 537–542. doi:10.1016/j.rhum.2009.03.003
5. Minagawa H, et al. Prevalence of symptomatic and asymptomatic rotator cuff tears in the general population: From mass-screening in one village. J Orthop. 2013 Feb 26;10(1):8-12. doi: 10.1016/j.jor.2013.01.008.