La chimio-embolisation, une option pour les patients avec localisations hépatiques de cancer colorectal ? Étude CIREL.

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La chimio-embolisation hépatique pourrait-elle trouver une nouvelle place dans la prise en charge des métastases hépatiques du cancer colorectal ? Dans l’article de veille de Tom Boeken, découvrez comment l’étude CIREL éclaire cette stratégie souvent reléguée au second plan, en montrant un bénéfice possible, surtout lorsqu’elle est intégrée plus tôt dans le parcours thérapeutique.
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La chimio-embolisation, une option pour les patients avec localisations hépatiques de cancer colorectal ? Étude CIREL.  

Transarterial chemoembolisation with irinotecan (irinotecan-TACE) as salvage or post-inductive therapy for colorectal cancer liver metastases: effectiveness results from the CIREL study  

Rappels 

Lors des deux précédentes veilles nous avions présenté deux essais portant sur les patients avec cancer colorectal métastatique au foie.  

1/ L’essai COLLISION qui comparait la chirurgie à la thermoablation hépatique pour les métastases mesurant moins de 3cm. Les résultats très positifs pour la radiologie interventionnelle ont permis une modification en avril 2025 du Thésaurus National de Cancérologie Digestive (TNCD) qui note « l’intégration des résultats de phase III COLLISION : thermo-ablation alternative à la résection chirurgicale si métas < à 3 cm et < à 10 métas (grade B) ». L’ensemble de la recommandation est disponible dans le chapitre 4 « cancer colorectal métastatique » (tcnd.org).   

2/ L’essai TRANSMET qui introduit la transplantation dans l’arsenal thérapeutique. Idem, le TNCD a été modifié dans ce sens et propose entre autres de « présenter ces patients le plus tôt possible, dès la 1ère évaluation, en RCP spécialisé (RCP nationale TRANSMET dédiée à la transplantation hépatique en place) ». La nouveauté est la présence maintenant de critères de sélection afin de présenter ces dossiers : Age < 65 ans // État général OMS 0 ou 1 // Métastases exclusivement hépatiques (TDM et TEP-scan) et non résécables // Tumeur primitive réséquée // BRAF sauvage // Contrôle pendant > à 3 mois de chimiothérapie et < 3 lignes de traitement • ACE < 80microg/L ou diminution de plus de 50%  

 

Étude CIREL 

L’étude observationnelle CIREL présentée ici a été publiée en 2025. Elle vient compléter (ou complexifier) le tableau avec des résultats intéressants concernant la chimio-embolisation hépatique. Notons que cette étude a bénéficié d’un financement industriel (Terumo) sous la forme d’une « independent research grant ».  

Bien que la chimio-embolisation soit répandue parmi les radiologues interventionnels, cette technique est relativement peu utilisée dans le cancer colorectal, probablement du fait de la concurrence de la radio embolisation et de la chimiothérapie intra artérielle hépatique.  

Deux figures sont particulièrement intéressantes. La figure A, qui montre la profondeur de la réponse tumorale, superposable aux différentes publications sur le DEBIRI : à peu près la moitié des patients répondent, autant en position de ‘dernière’ ligne que lors d’une stratégie plus précoce. La figure G montre la progression hépatique, avec une médiane à 6 mois confirmant la sévérité des patients traités.  

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Traditionnellement, la TACE à l’irinotécan est utilisée en traitement de rattrapage (« salvage therapy ») chez des patients en échec de plusieurs lignes de chimiothérapie systémique. Elle est également évaluée comme traitement de consolidation après une réponse initiale à la chimiothérapie, voire en association avec des techniques d’ablation thermique, notamment pour des lésions trop volumineuses pour une ablation. 

 

L’étude CIREL est la plus vaste étude prospective européenne, menée dans 20 centres de 11 pays, ayant inclus 152 patients entre 2018 et 2020. Elle montre une survie globale médiane (OS) de 14,5 mois pour l’ensemble de la cohorte avec une qualité de vie stable selon les questionnaires. Les facteurs pronostiques négatifs identifiés sont : Statut de performance ECOG ≥2 ; Lésion >50 mm ; Plus de deux lignes de chimiothérapie antérieures ; Atteinte hépatique >50 % ; Plan de traitement incomplet. 

Les résultats de l’étude CIREL suggèrent que la TACE à l’irinotécan offre un bénéfice en termes de survie, en particulier lorsqu’elle est intégrée précocement dans le parcours thérapeutique, en consolidation ou en association avec d’autres traitements locaux. La stabilité, voire l’amélioration de la qualité de vie, est un argument supplémentaire en faveur de son utilisation, surtout chez des patients lourdement prétraités. 

Cependant, il convient de noter que les données comparatives directes entre la TACE à l’irinotécan et les autres traitements restent limitées. Cela dépendra notamment de la place de la place que prendra la chimiothérapie intra-artérielle hépatique dans le choix de traitement loco-régional.