La radiologie au coeur des urgences - Gestion d’une unité de radiologie des urgences

Le concept d’ériger la radiologie des urgences comme une spécialité en tant que telle, localisée au sein même d’un service d’urgences, est né dans les années 1980 aux USA, puis s’est répandu dans les années 2000 en Europe. Ce concept est basé sur le constat qu’une prise en charge précoce et efficiente des patients en situation critique est corrélée à une réduction considérable de la mortalité et de la morbidité. Initialement centré sur les pathologiques traumatiques, le champ de la radiologie des urgences s’est progressivement élargi à l’ensembles des affections qui amènent aujourd’hui les patients à consulter dans les centres d’urgences. Ceci pose des défis de gestion de plus en plus nombreux aux radiologues des urgences, défis qui évoluent rapidement avec l’augmentation des consultations en urgences et l’évolution des moyens technologiques pour y répondre. 

1

Supervision d’un examen sur la console du scanner de l’unité de radiologie des urgences par la Professeure Alexandra Platon

Texte

Le premier défi d’une unité de radiologie des urgences est incontestablement lié à ce que nous pouvons appeler « la crise de croissance », à savoir l’augmentation linéaire du nombre d’examens radiologiques effectués, notamment CT. Ainsi, dans les années 2000, un examen CT était réalisé chez 7.5% des patients admis en urgences dans notre hôpital, toutes causes confondues ; en 2024, ce pourcentage est passé à près de 25% et le nombre moyen d’images par examen CT, selon les indications, a augmenté jusqu’à 1000 % dans le même intervalle de temps. La gestion de la radiologie des urgences doit tenir compte de ces augmentations constantes d’activité dans la planification des ressources technologiques et humaines, afin d’éviter la surcharge des équipes qui en résulterait autrement. Cette situation ne peut être réglée que par la simple adjonction, pourtant nécessaire, d’appareils radiologiques et de postes médico-soignants, qui se heurterait à des problématiques logistiques et économiques. Dès lors, il est important d’aider les équipes médico-soignantes à effectuer les nombreuses tâches auxquelles elles sont confrontées, de façon plus efficiente et plus sereine, en capitalisant sur les nouvelles technologies, notamment pilotées par les outils d’intelligence artificielle aussi bien au niveau des protocoles que de l’interprétation des images, la rédaction des comptes rendus structurés et la diffusion de l’information. 

Ces mesures doivent être accompagnées d’une adaptation constante des stratégies les plus efficientes de prise en charge radiologique des patients, en concertation avec les partenaires cliniciens, adaptées aux moyens et à la culture médicale de chaque institution. Par exemple, notre protocole pour l’investigation des douleurs de la fosse iliaque droite a progressivement évolué d’une échographie initiale chez tous les patients, à la réalisation systématique d’un examen CT low-dose, l’échographie n’étant plus réalisée que chez les femmes en âge de procréer. 
Un élément essentiel de la bonne gestion de la radiologie des urgences est le monitorage de l’activité par des indicateurs pertinents, tels que le volume d’examens réalisés, les délais d’attente pour l’obtention d’un examen CT ou échographique et la pertinence de l’interprétation initiale des examens par les médecins internes.


L’activité clinique intense à laquelle est confrontée la radiologie des urgences ne doit pas occulter sa mission d’enseignement et, dans les structures universitaires, sa vocation académique, parties intégrantes de son identité et de la cohésion de cette spécialité sur le plan national et international. L’établissement de bonnes interactions avec les collègues cliniciens et les radiologues spécialisés dans d’autres domaines doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière, pour bien clarifier les rôles de chacun. Les contacts entre les différents responsables des centres de radiologie des urgences sont dès lors importants pour discuter de ces problématiques, partager les expériences de terrain, et in fine, renforcer l’identité de cette jeune spécialité, en plein développement.
 

2

Médecin interne et chefs de cliniques dans la salle d’interprétation de l’unité de radiologie des urgences des HUG

Texte

Professeur Alexandra Platon, responsable de l’unité de radiologie des urgences, Service de Radiologie, Hôpitaux Universitaires de Genève
Professeur Pierre-Alexandre Poletti, chef du Service de Radiologie, Hôpitaux Universitaires de Genève