Place du radiologue pour la prise en charge de l’endométriose en 2023


Léo RAZAKAMANANTSOA (1), Sophie-Hélène ZAIMI (2)
(1) Service d’Imageries Radiologiques et Interventionnelles Spécialisées (IRIS) Hôpital Tenon – APHP, Paris
(2) Service de Radiologie A Hôpital Cochin – APHP, Paris

L’endométriose est une pathologie gynécologique fréquente touchant près de 10 % des femmes en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit environ 190 millions de personnes d'après les données de l’Organisation Mondiale de la Santé.

L’endométriose est une pathologie gynécologique fréquente touchant près de 10 % des femmes en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit environ 190 millions de personnes d'après les données de l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle se caractérise par la présence de tissu endométrial hors de la cavité utérine, altérant significativement la qualité de vie des femmes. Elle est responsable de douleurs pelviennes chroniques et est souvent associée à une infertilité. Face à cette maladie, véritable enjeu de santé publique, une stratégie tri-dimensionnelle nationale de lutte contre l’endométriose a été mise en place en 2022. Cette stratégie repose sur trois piliers : l’investissement dans la recherche et les traitements, la mise en place de parcours diagnostiques clairement identifiables et accessibles sur tout le territoire français via des filières de soins régionales, et la sensibilisation accrue des praticiens et des patientes afin d’optimiser les prises en charge et réduire l’errance thérapeutique (Fig. 1).

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Figure 1 : Exemple de cartographie des filières de soins endométriose comprenant des établissements centres de niveaux 2 et 3 ayant participé à la construction des filières en Île-de-France (disponible sur le site internet de l’ARS Île-de-France). D’autres filières de soins réparties sur le territoire français sont déjà mises en place comme : AFENA (Nouvelle-Aquitaine), EndAura (Auvergne, Rhônes-Alpes), EndoBFC (Bourgogne, Franche-Comté), EndoBreizh (Bretagne), EndoSud (P.A.C.A), EndoCentre (Centre Val-de-Loire) et de nouvelles sont en cours de structuration.


Le radiologue joue un rôle clé dans ces filières de soins orchestrées par les Agences Régionales de Santé (ARS). Il intervient à tous les niveaux, du praticien de premier recours aux centres experts de niveau 3, chargés de traiter les cas les plus complexes et de coordonner les réseaux. Une connaissance approfondie des critères diagnostiques et des modalités d’imagerie est cruciale pour éviter le risque de surdiagnostic, aux conséquences psychologiques et morbides non négligeables, ainsi que le sous-diagnostic qui prolonge l’errance diagnostique.

L’examen clinique (pelvien, réalisé par un gynécologue) et l’échographie pelvienne demeurent les examens de première intention conformément aux dernières recommandations de la HAS et du CNGOF (2018) [1]. Lors de l'échographie initiale, l'objectif principal est de détecter un endométriome. Il est à noter que les performances de cette technique pour diagnostiquer cette forme particulière d'endométriose sont comparables à celles de l'IRM (Fig. 2a). Si un endométriome est identifié, ou en présence de signes cliniques évocateurs d'endométriose profonde lors de l'examen physique, ou encore dans un contexte d'infertilité ou face à une masse ovarienne indéterminée, un bilan de second niveau est recommandé. Celui-ci doit être réalisé dans un centre de référence et consiste en une IRM pelvienne, éventuellement associée à une échographie de seconde intention effectuée par un échographiste expert. Il a été démontré que la combinaison de ces techniques offre les meilleurs résultats pour évaluer la présence d'endométriose profonde [2].

Une fois le diagnostic établi, le radiologue s'efforcera de décrire en détail les lésions, qu'il s'agisse d'implants superficiels, d'endométriomes ovariens, d'endométriose profonde ou d'atteintes extra-pelviennes. Une attention toute particulière sera accordée à l'extension de l'endométriose profonde. Pour cette évaluation, l'utilisation de scores standardisés tels que le "deep pelvic endometriosis index" (dPEI) ou le score ENDOSTAGE est recommandée, car ils sont corrélés aux risques de complications post-opératoires, au temps opératoire ainsi qu'à la durée d'hospitalisation [3,4].

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Figure 2 : (A) Aspect échographique d’un endométriome typique : kyste endométriosique de 49 mm de plus grand diamètre, unilatéral droit, ovalaire, à paroi non vascularisée, à contenu échogène en fin piqueté homogène, non déformable à la palpation (flèche blanche).
(B) Aspect échographique en fusion échographie endocavitaire / IRM séquences 3D en pondération T2 : Épaississement nodulaire spiculé hypoéchogène du ligament utéro-sacré proximal gauche (étoile blanche) avec corrélation IRM sous forme d’un épaississement hypointense, spiculé en T2.


La recherche dans le domaine de l'imagerie non invasive pour l'endométriose a conduit au développement de techniques combinant échographie et IRM. Grâce au couplage des images IRM à une échographie en temps réel accompagnée d'un guidage électromagnétique, il est désormais possible d'optimiser davantage le diagnostic (Fig. 2b) [5]. Sur le plan thérapeutique, les avancées ne sont pas en reste, grâce au développement de techniques avancées en radiologie interventionnelle, notamment pour le traitement des atteintes extra-pelviennes d'endométriose pariétale, une alternative efficace, peu invasive et peu morbide permettant le traitement des nodules endométriosiques par cryoablation percutanée avec une efficacité démontrée sur les symptômes (Fig. 3) [6].

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Figure 3 : (A) Aspect IRM (axiale) en pondération T1 (WATER) sans injection de gadolinium, d’un nodule endométriosique pariétal gauche de 33x35x16 mm, enchâssé dans le muscle grand droit gauche, avec discret hypersignal T1W (flèche blanche).
(B) Correspondance en échographie (sagittale) réalisée lors de la consultation du radiologue interventionnel montrant un nodule intra-musculaire hypoéchogène, spiculé du muscle grand droit gauche (étoile blanche)
(C) Hélice scanographique per-opératoire avec coupe axiale de la cryoablation percutanée montrant une aiguille placée au sein de la lésion et le glaçon en lieu et place du nodule traité (hypodensité arrondie) (cercle blanc). Protection des anses digestives réalisée par carbodissection au CO2 permettant la création d’un pneumopéritoine artificiel pour refoulement des structures intra-abdominales (triangle blanc).

 

Références :

[1]   Bekhouche A, Pottier E, Wahab CA, Milon A, Kermarrec É, Bazot M, et al. Recommandations récentes de la Haute Autorité de santé et de l’European Society of Urogenital Radiology sur l’imagerie de l’endométriose. Imagerie de la Femme 2019;29:150–72. https://doi.org/10.1016/j.femme.2019.03.004.

[2]   Roditis A, Florin M, Rousset P, Touboul C, Bendifallah S, Bazot M, et al. Accuracy of combined physical examination, transvaginal ultrasonography, and magnetic resonance imaging to diagnose deep endometriosis. Fertil Steril 2023;119:634–43. https://doi.org/10.1016/j.fertnstert.2022.12.025.

[3]   Thomassin-Naggara I, Lamrabet S, Crestani A, Bekhouche A, Wahab CA, Kermarrec E, et al. Magnetic resonance imaging classification of deep pelvic endometriosis: description and impact on surgical management. Hum Reprod 2020;35:1589–600. https://doi.org/10.1093/humrep/deaa103.

[4]   Bazot M, Daraï E, Benagiano GP, Reinhold C, Favier A, Roman H, et al. ENDO_STAGE Magnetic Resonance Imaging: Classification to Screen Endometriosis. J Clin Med 2022;11:2443. https://doi.org/10.3390/jcm11092443.

[5]   Bazot M, Spagnoli F, Guerriero S. Magnetic resonance imaging and ultrasound fusion technique in gynecology. Ultrasound Obstet Gynecol 2022;59:141–5. https://doi.org/10.1002/uog.24754.

[6]   Najdawi M, Razakamanantsoa L, Mousseaux C, Bendifallah S, Touboul C, Thomassin-Naggara I, et al. Resolution of Pain after Percutaneous Image-Guided Cryoablation of Extraperitoneal Endometriosis. J Vasc Interv Radiol 2023;34:1192–8. https://doi.org/10.1016/j.jvir.2023.03.025.

Séance pédagogique

Vendredi 13 octobre

Endométriose

Amphithéâtre Havane, 08h15 - 09h15