Importance pour les patients des produits de contraste en Imagerie Médicale et discussions en cours

La Société Française de Radiologie (SFR), par l’intermédiaire de son Comité Interdisciplinaire de Recherche et de Travail sur les Agents de Contraste en. Imagerie (CIRTACI) souhaite rappeler l’importance pour les patients des produits de contraste en Imagerie Médicale que les discussions en cours, notamment relatives aux modes de distribution de ces médicaments, ne doivent pas fragiliser, au risque de difficultés sanitaires profondes.

Sur l’utilité des agents de contraste en Imagerie Médicale

Les agents de contraste sont des médicaments utilisés en Imagerie Médicale depuis plus de 50 ans. Leur rôle est de permettre l’identification d’anomalies anatomiques, morphologiques ou fonctionnelles, en optimisant le contraste [1]. Les produits de contraste iodé sont utilisés pour des actes de radiologie diagnostique, qu’il s’agisse d’actes de radiographies conventionnelles (injections Intra-articulaires, opacifications digestives, angiomammographies…), ou de scanographie, mais également pour des actes de radiologie interventionnelle endovasculaires (imagerie vasculaire, imagerie cérébrale, imagerie veineuse …) particulièrement critiques pour la prise en charge des patients réanimatoires graves (thrombectomies, embolisations, angiographies, traitements des cancers). Les produits de contraste gadolinés sont utilisés en I.R.M., injectés le plus souvent par voie veineuse, mais parfois également par voie orale, ou intra cavitaire. Les agents iodés ou gadolinés utilisés en scanner ou en IRM restent à ce jour incontournables pour le diagnostic et le bilan d’extension des cancers, des maladies cardiovasculaires, des maladies inflammatoires ou neurologiques [2]. 
Les agents de contraste sonographiques dérivés de micro-bulles gazeuses sont utilisés dans les explorations échographiques, cardio-vasculaires, mais également en oncologie, ou encore en imagerie pédiatrique.
Aussi l’usage des produits de contraste n’est pas toujours associé à l’existence d’un forfait technique. 

 

Sur les évolutions des doses de produits de contraste utilisés au quotidien en imagerie médicale.


Environ 50% des scanners et plus de 40% des IRMs nécessitent l’injection d’un produit de contraste. Conformément aux recommandations formalisées par le CIRTACI, la SFR s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche de soutien à la juste prescription des produits de contraste, mais également de réduction des doses injectées pour chaque patient [3]. Cette stratégie d’optimisation est adaptée aux indications cliniques, et aux performances technologiques des outils d’imagerie, notamment en scanner (introduction des scanners multi-énergies par exemple) afin de ne pas réduire la qualité des explorations [4]. Par ailleurs, la SFR soutient et promeut les actions d’éco-responsabilité, au travers de la charte qu’elle a mise en œuvre et  validée sur cette thématique lors des Journées Francophones de Radiologie 2022 [5]. Cette charte promeut la récupération des résidus de produits de contraste, en particulier gadolinés afin de favoriser le recyclage.

Sur le recours à courte échéance au principe d’administration multi-dose ou multi-patients en France

Le multipatient (un flacon utilisé pour plusieurs patients) doit être distingué du multidose (plusieurs prélèvements sur un même flacon pour le même patient). 
L’AMM des flacons de gros volumes (500 ml) a toujours été refusée par l’ANSM au cours des 15 dernières années pour éviter d’inciter au multipatient. La crainte principale est que le processus de prélèvement multiple dans un flacon ne favorise la contamination interpatient (reflux de sang par aspiration/injection) lors d’erreurs techniques et la contamination bactérienne ou virale du flacon lors de ces manœuvres. Les autres pays d’Europe pratiquent le multipatient depuis de nombreuses années, avec de rares cas de contamination interpatient rapportés pour des manques de précautions classiques (perforations multiples du bouchon, aspiration avec des tuyaux plongeant dans la solution multipliant les risques de rupture d’aseptie …).

Un groupe de travail associant le CIRTACI, les industriels et l’ANSM il y a 2 ans avait amorcé un travail sur les conditions requises pour autoriser les gros volumes donc le multipatient, et en avait formalisé les principaux verrous : 

  • Risque septique par contamination du flacon, du bouchon lors des manœuvres de prélèvement multiples, en particulier celles qui utilisent le retrait du bouchon pour accéder au produit (erreurs d’aseptie). 
  • Risque de contamination sanguine lors des manœuvres d’aspiration du produit dans la seringue d’injection puis la réinjection à un autre patient (nécessité de valves anti retour fiables).

La majeure partie de l’utilisation des produits de contraste iodé se faisant en scanner, les constructeurs ont mis sur le marché des injecteurs spécifiques garantissant ou limitant ce type d’erreurs : set journalier ne piquant le bouchon qu’une seule fois et set patient changé entre chaque patient. Ces injecteurs scanners sont déjà largement répandus même si nous ne disposons pas à date d’une évaluation précise sur la couverture nationale de ces dispositifs. 
En revanche, en IRM ces injecteurs spécifiques n’existent que chez un seul fournisseur et ne sont actuellement pas disponibles pour la très large majorité des centres et établissements disposant d’équipements IRM. Des kits adaptables avec des valves antiretour existent, mais ne présentent pas le même niveau de sécurité. 

En imagerie vasculaire avec injection intra artérielle (radiologie interventionnelle), les injecteurs à piston classiques sont de mise, et la technique de multiples prélèvements dans un gros volume pose des problèmes de sécurité décrits ci-dessus. 

Aussi, pour les actes de scanner le multipatient pourrait être techniquement mis en place. Toutefois, ceci imposerait d’abord que l’ANSM valide l’AMM pour les gros volumes de chaque médicament iodé utilisé en scanner mais aussi de s’assurer que les injecteurs multipatients spécifiques et le matériel adapté sont bien disponibles pour tous les centres. Ceci pourrait dans un premier temps être évalué pour les patients en situation d’hospitalisation en établissement de santé, dès lors que les produits de gros volumes seraient alors disponibles et fournis par les pharmacies déjà existantes des établissements concernés. 

Reste que le délai de mise en œuvre d’une telle transformation doit être bien sécurisé en prenant en compte notamment :

  • La disponibilité lors de cette bascule du stock nécessaire de produits de contraste de gros volumes que les plannings de production industriels établis bien en amont n’ont à ce jour pas anticipé
  • La disponibilité du circuit d’approvisionnement et de stockage des établissements de santé dans un premier temps, qui devrait aussi être étendu si le dispositif du multi-patient était appliqué en dehors du champ des patients hospitalisés. 
  • La traçabilité et la garantie de la qualité pharmaceutique qui devra être dans tous les cas préservée.

En revanche, ce principe ne saurait être appliqué en IRM (besoins et volumes d’injection différents, absence de disponibilité large des injecteurs sécurisés adaptés) ni en angiographie ou angiocardiographie. 

Produits de contraste utilisés pour d’autres besoins que pour le scanner ou l’IRM : garantir le maintien d’un circuit de distribution mono-patient sur tout le territoire

En radiologie, de multiples examens (arthrographies, opacifications digestives chez l’enfant ou l’adulte, opacifications urologiques (cystographies, etc…).) nécessitent l’administration de petites quantités de produits de contraste et il n’existe pas de forfait technique pour ces examens. La prescription individuelle de ces molécules et leur mise à disposition auprès des patients selon le circuit actuel doivent être préservées pour garantir que les examens pourront continuer d’être réalisés.
Il en est de même pour les agents de contraste échographiques, utilisés à la fois dans l’exploration du foie, du cœur, des vaisseaux ou en pédiatrie.

Au total 

La Société Française de Radiologie et son Comité Interdisciplinaire de Recherche et de Travail sur les Agents de Contraste en. Imagerie (CIRTACI) souhaitent ici rappeler que les agents de contraste sont des médicaments indispensables pour les soins quotidiens de nos patients ; que ces agents sont utilisés à la fois pour des actes diagnostiques associés à des forfaits techniques, et pour des actes diagnostiques et interventionnels qui en sont dépourvus ; que de nombreux soins requièrent la disponibilité de produits de contraste de petits volumes adaptés à des utilisations spécifiques ; que les actions visant à la juste prescription de ces médicaments, à la réduction de dose, et aux principes d’écoresponsabilité portés par la SFR doivent être encouragés ; que la disponibilité au quotidien de tous ces agents, sous toutes leurs formes et tous les usages est aujourd’hui assurée par un modèle de prescription et distribution efficace sur tout le territoire ;  et enfin que le maintien de la sécurité et de la qualité des circuits de distribution des agents de contraste pour nos patients doit être notre seul guide pour les évolutions futures.

 

Pour la SFR
Pr Jean-François MEDER (Président de la SFR), Pr Marie-France BELLIN (Présidente élue) et Pr Alain LUCIANI (Secrétaire Général)

Pour le CIRTACI : Pr Olivier CLEMENT

Bibliographie

  1. Caschera L, Lazzara A, Piergallini L, et al (2016) Contrast agents in diagnostic imaging: Present and future. Pharmacol Res 110:65–75. https://doi.org/10.1016/j.phrs.2016.04.023
  2. 5460_BROCHURE_ESUR.pdf
  3. CIRTACI Fiche Rein_2020_2_4_0.pdf
  4. CIRTACI Fiche Généralités ONCO_5_3_0.pdf