LA SOCIETE FRANCAISE DE RADIOLOGIE HISTORIQUE de la SFR

par Henri NAHUM
Secrétaire Général (1982-1987)

Le 17 décembre 1908, douze hommes se sont réunis au domicile de l'un d'entre eux, à Paris. Ce sont Antoine Béclère, Hyacinthe Guilleminot, Georges Haret, Paul Aubourg, Passier, Darbois, Joseph Belot, Léon Bouchacourt, Lenglet, Eugène Beaujard, René Ledoux-Lebard, Félix Lobligeois. Ce sont tous des adeptes fervents de cette nouvelle discipline, la Radiologie médicale, encore peu développée, bien que la découverte de Roentgen date déjà de 13 ans. Antoine Béclère, médecin des hôpitaux, spécialiste des maladies infectieuses, a cru, dès le début, aux possibilités extraordinaires qu'ouvraient à la médecine ces merveilleux rayons X. Il a installé, dès 1897, un poste de radioscopie dans son service hospitalier de Tenon ; il n'y avait pas de courant électrique et l'installation comportait, comme générateur, une machine électrostatique mue à la main ; les jours d'humidité, il fallait l'amorcer avec un doigt chargé d'or massif. Lorsque Béclère a été muté à Saint-Antoine, il a, là aussi, créé à ses frais, un laboratoire radiologique. Georges Haret et Joseph Belot font partie de l'équipe hospitalière de Béclère ; Belot a publié, en 1905, un Traité de Radiothérapie. Bouchacourt, Aubourg, Darbois, René Ledoux-Lebard sont déjà des radiologistes réputés. Tous ces jeunes hommes - ils ont la trentaine ou la quarantaine - sont médecins, tous ont des fonctions hospitalières. Tous partagent avec enthousiasme le point de vue de Béclère : la Radiologie est une science clinique. "Nul - se plaît-il à répéter - ne peut devenir un bon radiologiste sans être auparavant un bon clinicien". Béclère se bat pour qu'un laboratoire de radiologie soit installé dans chaque hôpital et pour qu'il soit confié à un médecin.

  

Il existe à Paris, une société, la Société Française d'Electrothérapie, fondée en 1891, qui a pour objet l'étude des applications de l'électricité à la biologie et à la thérapeutique. Elle a pris, en 1901, le nom de Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie. Le nombre de ses membres est limité par ses statuts ; il y a, parmi eux, quelques grands noms de la science française, Madame Curie, d'Arsonval. La Société se réunit tous les mois ; outre des communications sur le traitement de la constipation par le courant galvano-faradique ou l'insuccès de l'électrothérapie du fibrome, elle offre une tribune à des sujets radiologiques : radiographie d'une spina ventosa ou d'une arthrite tuberculeuse de l'épaule. La Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie a déjà organisé trois congrès internationaux.

  

Béclère lui-même est l'un des dirigeants de cette Société. Mais, à vrai dire, ni lui ni les jeunes qui l'entourent, ne s'y sentent très à l'aise ; ils veulent une Radiologie clinique, proche du malade, dégagée de l'emprise des physiciens ; ils veulent que l'acte radiologique soit un acte médical, inséré dans la séquence diagnostique et thérapeutique. Ce n'est évidemment pas l'avis de beaucoup des membres de la Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie. "On néglige de dire, écrit l'un d'entre eux, par qui les progrès de la Radiologie ont été obtenus ; c'est aux physiciens que nous en sommes redevables, on ne doit pas l'oublier. Pour faire de la radioscopie, on a moins besoin de connaissances médicales que de l'instruction du physicien".

  

Béclère a donc ourdi un véritable petit complot. Une semaine avant ce fameux 17 décembre 1908, à son domicile rue de la Boëtie, il a réuni les conjurés. Ils ont décidé de fonder une nouvelle société ; son nom même affichera l'intention déclarée : ce sera la Société de Radiologie Médicale de Paris. Le 17 décembre est le jour J : le Bureau est constitué ; Béclère, le patron et l'instigateur est tout naturellement Président ; Haret est Secrétaire Général-Archiviste ; Aubourg est Trésorier. L'autorité de Béclère est incontestée : il est déjà considéré comme le père de la Radiologie française. Il faut néanmoins une caution et des précautions. La caution, ce sera Bouchard, qui, lui aussi, a été le précurseur de la Radiologie clinique : il a présenté, dès 1896, à l'Académie de Médecine, des observations radiologiques d'affections thoraciques ; il a, lui aussi, fondé un laboratoire de Radiologie dans son service hospitalier de la Charité et en a confié la direction à Guilleminot, l'un des conjurés ; on lui propose d'être Président d'Honneur ; il accepte. Les précautions : il s'agit de ne pas rompre avec la Société Française d'Electrothérapie : Madame Curie, d'Arsonval et Oudin seront donc Membres d'Honneur de la nouvelle Société de Radiologie ; c'est Oudin qui, avec Barthélémy a réalisé en France, quelques jours après Roentgen, la première radiographie et c'est lui qui a demandé à Henri Poincaré de la présenter à l'Académie des Sciences.

  

Les choses vont très vite : 10 décembre première réunion de réflexion, 17 décembre constitution du Bureau, rédaction et vote des Statuts et du règlement intérieur ; 28 décembre première réunion du Bureau ; janvier publication des Statuts, 12 janvier 1909 première réunion scientifique de la Société, salle des Sociétés Savantes, rue Serpente à Paris, à deux pas de la Faculté de Médecine. C'est cette date du 12 janvier 1909 qui est la date officielle de la fondation de la Société qui, aujourd'hui se nomme Société Française de Radiologie et d'Imagerie Médicale.

  

Le programme de cette première réunion est un peu austère, mais les fondateurs veulent bien marquer qu'ils sont, eux aussi, des scientifiques et que la physique des rayons X ne leur est en rien étrangère : "Effet des filtres d'aluminium sur les rayons X" par H. Guilleminot, "La qualité des rayons en radiographie rapide" par A. Béclère. Le succès est immédiat : dès la première séance, 79 membres, parisiens et provinciaux ; on en élit 25 autres le jour même.

  

Au cours de l'année 1909, la Société de Radiologie Médicale de Paris tient une séance le deuxième mardi de chaque mois au siège de la Société de Chirurgie 12 rue de Seine. Elle a 157 membres au bout d'un an, 254 membre en 1914, dont 77 provinciaux et 55 étrangers, parmi lesquels quelques noms prestigieux, Albert Schönberg de Hambourg, Holzknecht de Vienne. La Société publie chaque mois un journal intitulé "Bulletins et Mémoires de la Société de Radiologie Médicale de Paris" ; les communications y paraissent in extenso. Les sujets portent sur la technique, le radiodiagnostic et la radiothérapie. En technique, on voit apparaître les perfectionnements successifs qui vont fournir des clichés de meilleure qualité : écrans renforçateurs, filtres, contact tournant. Le contact tournant va être utilisé pendant une vingtaine d'années : c'est un appareil merveilleux, qui a néanmoins l'inconvénient de faire un bruit assourdissant dont se plaignent les voisins. Le cabinet du radiologue est, à cette époque, peint en noir pour faciliter l'adaptation ; des trolleys, suspendus au plafond, amènent la haute tension et sont reliés au tube par des fils souples retenus par des enrouleurs à ressorts ; par temps humide, des effluves, des aigrettes crépitent le long des câbles, font dresser les cheveux et les poils, et remplissent la pièce d'ozone. La protection contre les radiations est à l'ordre du jour de la Société : on s'inquiète des radiodermites et des altérations de la formule sanguine, et on fabrique des gants et des tabliers plombés.

  

En Thérapie, on se demande si les radiations ne sont pas le traitement miracle d'innombrables affections : guérissent-elles la maladie de Paget ? Les tumeurs profondes ? Le lupus ?

  

En Diagnostic, on s'émerveille. On cite de nouvelles installations permettant des temps de pose de moins d'une minute ! Ou même de 15 secondes !! On présente des clichés d'une tumeur du poumon, ou d'une luxation congénitale de hanche. On voit même, exceptionnellement il est vrai, des calculs biliaires : un collègue a assisté à Londres à une présentation de clichés apportés d'Amérique ; peut-être, en insufflant l'estomac et le côlon, obtiendra-t-on une meilleure visibilité. On rapporte une technique de radiocinématographie par photographie des écrans renforçateurs et on publie des bandes du jeu articulaire du genou, du coude et de la main. Des articles généraux relatent le fonctionnement du nouveau laboratoire de Boucicaut que l'Assistance Publique a confié à Paul Aubourg : plus de 1 000 clichés en un an, dont la moitié pour des fractures, mais on a vu aussi de nombreuses plaies par balle (le 15ème arrondissement touche aux Fortifs et il y a des rixes toutes les nuits), et même un kyste hydatique, un calcul du bassinet, un anévrisme de l'aorte, une tuberculose pulmonaire et une ptose gastrique.

   

Béclère reste Président de la Société de 1909 à 1911 ; lui succèdent Guilleminot en 1912 et 1913 et Belot en 1914 ; Haret reste, depuis le début, Secrétaire Général-Archiviste. A l'Assemblée Générale de 1913, la Société, tenant compte du grand nombre de ses membres qui résident en province, prend le titre de Société de Radiologie Médicale de France ; il y aura désormais un Vice-président parisien et un Vice-président provincial. On décide aussi la publication du Journal de Radiologie et d'Electrologie qu'éditera Masson ; Belot assurera le Secrétariat Général du Journal. Le premier numéro paraît en janvier 1914 avec des articles de Belot sur la radiographie des maxillaires et des dents, de Guilleminot et Zimmern sur la nature des rayons X, de Delherm et Laquerrière sur l'électrothérapie de la paralysie infantile ; une note de technique décrit une sonde urétérale opaque ; la maison d'Electricité Médicale G. Gaiffe consacre une pleine page de publicité à son commutateur tournant, à son appareil de diathermie et à son tube à refroidissement ; la maison Desleaux vante son bismuth qui se maintient en suspension et met à l'abri des accidents. Dans l'un des numéros suivants, paru au moment même du début de la Grande Guerre, Aubourg et Belot jettent les bases de la sémiologie radiologique de l'oesophage.

  

Les Bulletins et Mémoires de la Société de Radiologie et le Journal de Radiologie complètent une presse déjà riche : Archives d'Electricité Médicale publiées à Bordeaux sous la direction de Bergonié, Annales d'Electrobiologie, d'Electrothérapie et d'Electrodiagnostic que Doumer dirige à Lille et qui deviennent les Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, Bulletin Officiel de la Société Française d'Electrothérapie qui, lui aussi ajoute la Radiologie à son titre, de même que la Revue Internationale d'Electrothérapie. Tous ces journaux, spécialisés au départ en électrodiagnostic et électrothérapie, accordent une place de plus en plus large à la Radiologie.

   

La Grande Guerre. La Société de Radiologie est en sommeil. La plupart de ses membres sont aux armées. Ils y ont souvent un rôle important et démontrent, par leur action quotidienne, le caractère indispensable de l'examen radiologique pour le bilan des lésions et le repérage et l'extraction des projectiles. Les constructeurs mettent au point des camions radiologiques et des voitures radiologiques légères. Antoine Béclère organise les laboratoires radiologiques du Camp Retranché et du Gouvernement Militaire de Paris et contrôle la fabrication du matériel radiologique. Haret organise le Service de Radiologie aux Armées : il préconise l'automobile, alors que les Allemands utilisent la traction animale, et publie à ce sujet un article dans le Journal de Radiologie qui, avec des numéros moins fournis, continue à paraître pendant toute la guerre. En 1917, sous la présidence du sous-Secrétaire d'Etat à la Santé, se tient une séance extraordinaire de la Société de Radiologie Médicale de France : on fait le point sur les résultats obtenus grâce aux rayons X et sur le fonctionnement des installations fixes et mobiles. "La Radiologie a acquis ses lettres de noblesse, proclame Belot, resté Président, lorsque le 8 mars 1919, la Société reprend ses travaux. La guerre est finie, ajoute-t-il ; il ne faut pas qu'elle revienne parmi nous. Je vous demande d'oublier animosité et rancoeurs et de reprendre nos travaux dans la concorde et dans l'union."

   

On peut penser qu'animosité et rancoeurs ont été oubliées puisque, lorsque Belot quitte la présidence quelques mois plus tard, il affirme que "la Société de Radiologie n'est pas seulement une association scientifique où se discutent les problèmes passionnants de Radiodiagnostic et de Radiothérapie ; c'est, de plus, un milieu sympathique où chacun s'aime et s'estime et où règne la plus franche cordialité". Lors de la même séance, Belot annonce la création, dans le cadre de la Chaire de Physique de Broca, d'un cours de Radiologie confié à Ledoux-Lebard, auquel participeront la plupart des Radiologistes des Hôpitaux de Paris.

    

A Belot, Président de 1914 à 1920, succède Haret, qui était Secrétaire Général depuis 1909. Il ne garde ce poste de Président que pour l'année 1921, suppléé au Secrétariat Général par Lobligeois, et reprend en 1922 son poste de Secrétaire Général. Aubourg devient Président pour 1922.

  

L'entre-deux-guerres amène une expansion considérable de la Société : elle compte 482 membres en 1930, 837 en 1938 : ils habitent Paris, la province et l'étranger. Mais, Marseille, Montpellier et Nice sont à une nuit de train de Paris et il est bien difficile aux radiologues de ces villes de siéger à Paris, rue de Seine, le deuxième mardi de chaque mois. En 1929, se crée donc une filiale de la Société-mère parisienne, la Société de Radiologie du Littoral méditerranéen, présidée par Paschetta avec Lamarque comme Secrétaire. Elle est bientôt suivie, en 1930, par la Société d'Electro-Radiologie du Sud-Ouest et par la Société Canadienne Française d'Electrologie et de Radiologie Médicale, en 1931 par la Société d'Electro-Radiologie d'Alger et d'Afrique du Nord, en 1932 par la Société d'Electro-Radiologie de l'Est, en 1936 par la Société d'Electro-Radiologie de l'Ouest et par la Société d'Electro-Radiologie du Centre et du Lyonnais.

  

Plusieurs remarques s'imposent à ce propos. Il y a eu, depuis le début, de brillantes personnalités qui, en province, se sont intéressées à la Radiologie, Bergonié, Rechou à Bordeaux, Imbert, Bertin-Sans à Montpellier, Destot à Lyon, Marquès, Marie à Toulouse, Bidard, Desplats à Lille, Guilloz à Nancy, Caste à Rennes, Leduc à Nantes, Buguet à Rouen. Mais à cette époque, du point de vue institutionnel et rassembleur, le rôle moteur de la Société parisienne, Société-mère, n'est pas contesté. Deuxième remarque : le Canada Français n'est pas encore tombé dans l'escarcelle des Etats-Unis. Troisième remarque : la Société de Radiologie tient beaucoup à s'occuper d'électro-diagnostic et d'électrothérapie. C'est là une spécificité bien française : lors d'un voyage aux Etats-Unis, le Trésorier de la Société, Morel-Kahn, s'étonne de constater que, là-bas, Radiologie et Electrologie sont des spécialités bien distinctes. Le Journal de Radiologie s'appelle Journal de Radiologie et d'Electrologie ; les Radiologistes des Hôpitaux sont Electro-Radiologistes des Hôpitaux. Les Sociétés provinciales soulignent bien dans leur intitulé cette double orientation. La Société parisienne modifie donc ses statuts et sa dénomination et, en 1937, devient la Société d'Electro-Radiologie Médicale de France.

   

Par contre, les tentatives de fusion entre cette dernière et son aînée, la Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie, n'aboutissent pas. Les dirigeants sont pourtant les mêmes, les auteurs des communications aussi, mais les particularismes ne se laissent pas vaincre. "Pourquoi changer actuellement l'impulsion donnée à notre Société ? écrit l'un des dirigeants de la Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie. Faut-il répondre favorablement à l'appel de la puissante Société de Radiologie Médicale de France ?"

   

A la fin de l'année 1928, Georges Haret qui, à l'exception d'un mandat d'un an de Président, a été pendant 20 ans Secrétaire Général, transmet son fauteuil à André Dariaux. Cette tradition de présidences annuelles et d'un secrétariat général "perpétuel" restera longtemps la règle : le Secrétaire Général est la cheville ouvrière de la Société, le maître d'oeuvre de ses réunions ; les Présidents successifs tiendront presque toujours à laisser leur marque par une initiative importante. Haret a eu le mérite de transformer le groupe d'amis de 1909 en une société scientifique qui a donné ses lettres de noblesse à la Radiologie française et en a fait une discipline à part entière, nationalement et internationalement reconnue.

   

La lecture des Bulletins et Mémoires des années de l'entre-deux-guerres témoigne de la vitalité et du caractère novateur de la discipline. Certains titres de communications pourraient nous faire sourire en cette fin du XXème siècle ; nous aurions tort, car n'est-il pas logique qu'une nouvelle discipline explore toutes ses possibilités ? N'avons-nous pas vu, depuis, d'innombrables méthodes devenir obsolètes et tomber dans l'oubli ? Nos prédécesseurs des années 1920 et 1930 ont donc écouté des exposés sur la radiographie du corps entier en une seule exposition grâce à un appareil spécial fabriqué par la maison Gaiffe, sur l'examen radiologique en position pieds au plafond, sur le traitement de l'occlusion par lavement électrique, du rhume des foins par la radiothérapie, de l'asthme par la radiothérapie du pancréas, du diabète par la radiothérapie des ovaires. Mais à côté de ces travaux que nous pourrions aujourd'hui juger sans indulgence, les séances parisiennes et provinciales de la Société offrent une tribune à de grandes premières. On est souvent frappé par le sérieux de ces communications et de ces articles, souvent étayés par une étude expérimentale animale préalable et par des confrontations anatomiques et anatomo-pathologiques. C'est dans ces deux décennies que sont mises au point les méthodes radiologiques qui vont devenir classiques et être la base de l'exercice quotidien de la Radiologie pendant longtemps : examen de l'oesophage chez l'adulte et chez le nourrisson, examen de l'estomac et du duodénum par des clichés répétés sélectionnés par l'observation scopique, description des signes radiologiques de la sténose hypertrophique du pylore du nourrisson, examen du côlon par la "méthode de revêtement", sémiologie de l'invagination intestinale, cholécystographie orale, examen sans préparation de l'abdomen en urgence, urographie intra-veineuse, description des incidences crâniennes, encéphalographie gazeuse, arthrographie gazeuse. A cette époque aussi font leurs débuts la radiocinématographie et l'artériographie. La radiocinématographie avait déjà fait l'objet, avant la Grande Guerre, de travaux portant sur le jeu articulaire ; à cette époque, elle étudie les mouvements du coeur. Plusieurs communications sont consacrées à l'étude du foie et de la rate grâce à l'injection intra-veineuse de thorotrast ; on ne soupçonne pas les accidents graves qui seront observés longtemps après à cause de ce produit. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil : les polémiques sont vives. "L'examen de l'estomac et du duodénum en procubitus, la radiothérapie du rhume des foins, votre communication est très intéressante, mon cher collègue, mais j'ai décrit cela bien avant vous".

   

Il faut noter la fréquence des communications sur la radio-protection. La Radiologie est un métier dangereux. Chaque numéro des Bulletins et Mémoires comporte une notice nécrologique de collègues victimes de leur profession. Il s'agit parfois d'une électrocution - elle tue même, parfois, le malade - beaucoup plus souvent de radiodermites motivant des amputations successives ou se compliquant de cancérisation. C'est le cas chez plusieurs des membres fondateurs de la Société de Radiologie, en particulier de Georges Haret qui meurt en 1932, à 58 ans.

   

Des livres sont souvent déposés sur le bureau du Président de la Société. Ce sont les grands classiques de cette époque : le Manuel de Radiodiagnostic clinique de René Ledoux-Lebard, le Radiodiagnostic clinique du tube digestif de Pierre Duval, Jean-Charles Leroux et Henri Béclère, l'Exploration radiologique de l'appareil respiratoire d'Emile Sergent, Francis Bordet et Henri Durand, la Radiologie clinique du coeur et des gros vaisseaux de Ch. Laubry, P. Cottenot, D. Routier et R. Heim de Balzac, le Précis de Radiothérapie profonde d'Iser Solomon, la Curiethérapie du cancer de Simone Laborde, le Traité d'Electrothérapie de Delherm et Laquerrière. On peut remarquer que, bien qu'il s'agisse d'ouvrages radiologiques et que les véritables auteurs soient des maîtres reconnus dans la spécialité, ils préfèrent souvent s'abriter derrière la signature d'un clinicien prestigieux.

  

La Société de Radiologie se veut, de plus en plus, l'aile marchante de la Radiologie française et ne se contente pas d'un rôle purement scientifique. Les exposés, lors des séances, sur le rôle du radiologue, faits par des maîtres autorisés, sont nombreux et pertinents. Rien de ce qu'ils disaient il y a 60 ou 70 ans ne serait désavoué aujourd'hui : le radiologue est un clinicien, proclame Henri Béclère, cousin d'Antoine, lors de son allocution présidentielle en 1935 ; tout examen radiologique doit être fait par lui-même ou, tout au moins, en sa présence et sous sa responsabilité ; il est hors de question qu'il ne soit qu'un prestataire de services ; il doit avoir une connaissance précise de l'observation du patient, participer à l'indication de l'examen, en définir la technique, rédiger un compte rendu circonstancié, participer à l'élaboration du diagnostic final et des indications thérapeutiques.

   

Rien de ce qui est radiologique n'est étranger à la Société, tant ses dirigeants ont conscience de leurs responsabilités.

  

L'appareillage d'abord. Les constructeurs ont leur place entière au sein de cette société scientifique. Georges Massiot a succédé, avant la Première Guerre Mondiale, à son beau-père Arthur Radiguet ; pendant la guerre, en collaboration avec Guilleminot, il a conçu une automobile radiologique ; dans les années 1930, l'entreprise Massiot est à la pointe de l'innovation technologique, en particulier en ce qui concerne la tomographie. Gaiffe, Galot et Pilon fusionnent avec Ropiquet, Hazart et Raycourt pour devenir la Compagnie Générale de Radiologie qui s'installe boulevard de Vaugirard. Les radiologues participent à la mise au point de nouveaux appareillages ; lors de chaque séance de la Société, des communications y sont consacrées : Belot présente son appareil protecteur, construit par Gaiffe et, quelques années plus tard, le protecteur intégral fabriqué par Massiot sur ses indications, Bouchacourt présente sa bonnette, Solomon son appareil de contrôle ionométrique, Lepennetier son pragmanégatoscope permettant une bonne projection des clichés. Les constructeurs eux-mêmes viennent à la tribune des séances parler de leurs dernières innovations : la table basculante de Gaiffe en 1922, la radiographie en plans successifs de Massiot en 1937. Dès 1920, un très grand progrès est réalisé par le tube de Coolidge qui remplace le tube à air et limite les risques d'accident ; Belot le perfectionne, Gaiffe le fabrique. C'est aussi dans les années 1920 que les plaques de verre sont remplacées par des films à double émulsion, que les écrans renforçateurs à grains fins permettent le diminuer encore les temps de pose, que la grille de Potter donne une meilleure définition, que le sélecteur rend possible un examen d'excellente qualité des organes mobiles. A cette époque aussi, les produits de contraste se perfectionnent, deviennent plus inoffensifs et permettent l'examen des organes cavitaires et des structures canalaires. Vers les années 1930, des générateurs puissants à soupape, dans l'air d'abord, dans l'huile ensuite, remplacent les contacts tournants. Les trolleys sont remplacés par des câbles à haute tension, mettant à l'abri de tout accident d'électrocution. Les tubes radiogènes fonctionnent dans l'huile. L'anode tournante donne aux images une très grande finesse. Les tables se modernisent et se simplifient.

   

Les rapports sont donc très étroits entre Société de Radiologie et constructeurs, groupés en syndicat, ou, plus exactement en une branche du Syndicat des Industries de l'Optique et de la Précision. Georges Massiot, qui en est l'animateur, obtient que, chaque année, le matériel radiologique soit exposé à la Faculté de Médecine lors du Congrès de Chirurgie.

   

Dès le début, la Société de Radiologie s'était préoccupée de l'enseignement de la discipline, auquel Antoine Béclère attachait tant d'importance : c'est lui qui, dès 1897, à Tenon, avait organisé le premier enseignement de Radiologie. En 1920, André Broca, titulaire de la Chaire de Physique Médicale à la Faculté de Médecine de Paris, institue, dans le cadre de cette Chaire, un enseignement de Radiologie qu'il confie à René Ledoux-Lebard. Belot en fait solennellement l'annonce à la Société de Radiologie ; les Radiologistes des Hôpitaux collaboreront à cet enseignement ; un diplôme universitaire le sanctionnera. Cette initiative hardie est pourtant bien loin des nécessités : Ledoux-Lebard ne fera sa leçon inaugurale que quatre ans plus tard ; la chaire qui devait être créée à son intention grâce à des fonds privés devra attendre un quart de siècle et une seconde guerre mondiale. Le Val-de-Grâce est plus lucide et plus entreprenant : Hirtz devient, en 1920, titulaire de la Chaire de Radiologie Médicale. Quoi qu'il en soit, la Société de Radiologie est étroitement impliquée dans l'enseignement : tous ses dirigeants y participent ; c'est son Président qui en est l'animateur et qui doit, en principe, être titulaire de la Chaire ; les programmes des cours paraissent dans les Bulletins et Mémoires.

   

La Société de Radiologie est aussi très proche de la Radiologie hospitalière ; les Bulletins et Mémoires annoncent les cours et les démonstrations pratiques dans les hôpitaux, rendent hommage à ceux qui ont oeuvré pour que chaque hôpital soit doté d'un laboratoire de Radiologie, donnent régulièrement la liste de ces laboratoires, saluent l'ouverture de nouveaux services - Saint-Louis à Paris en 1931, La Pitié en 1935 - et y consacrent de longs articles avec photos et plans. On peut néanmoins regretter l'incontestable parisianisme de cette presse : ces nouvelles, ces échos, ces articles concernent presque toujours la capitale. Les concours hospitaliers eux-mêmes trouvent leur place dans le Journal de Radiologie qui, en pratique, est, lui aussi, une émanation de la Société : on en donne le règlement, les résultats et les questions posées : à côté de "Diagnostic radiologique des tumeurs de l'abdomen", "Traitement radiothérapique des affections tuberculeuses", "Préparation d'un appareil de haute fréquence pour faire les différentes applications préconisées pour combattre les hémorroïdes", "Exposer un rapport sur l'état d'une batterie d'accumulateurs", "Ayant une batterie de piles et son collecteur d'éléments, mesurer approximativement une résistance donnée, puis monter cette résistance soit en réducteur de potentiel, soit en rhéostat ; exposer les avantages et les inconvénients des différents procédés de production", "Lavement électrique ; monter l'appareil à cet effet".

   

La défense de la profession elle-même n'est pas étrangère aux objectifs de la Société. Des exposés sont faits à ce propos lors des séances, s'élevant contre les pratiques abusives de médecins peu compétents qui acquièrent un appareillage sommaire et réalisent des examens médiocres. La cotation des actes est régulièrement publiée : 40 francs pour un poignet en 1921, 48 francs en 1925 ; 120 francs pour un estomac en 1921, mais 200 francs si l'examen s'est accompagné de la prise de clichés.

    

La Société ne reste pas confinée dans l'Hexagone. Ses dirigeants parcourent le monde. Dès la fin de la Grande Guerre, Ledoux-Lebard, qui avait été en contact avec des collègues américains pendant les hostilités, se rend aux Etats-Unis. Quelques années plus tard, Morel-Kahn, Trésorier de la Société, découvre le plein temps dans les hôpitaux américains ; il dit dans les Bulletins et Mémoires son admiration pour la place que tient la Radiologie aux Etats-Unis, sur le dialogue permanent qu'entretiennent radiologues et cliniciens, sur l'excellence du matériel, sur le confort et les dimensions des locaux. Par ailleurs, la Société organise des réunions communes avec les Sociétés étrangères ; ses délégués se rendent aux Congrès canadien, roumain, italien, allemand. La Société française offre aussi une tribune à d'éminents collègues étrangers : c'est ainsi que Ziedses des Plantes parle en 1939 de tomographie.

   

C'est à Dariaux, Secrétaire Général depuis 1929, que revient le mérite d'avoir initié les Congrès des Médecins Electro-Radiologistes de Langue Française. Sous l'égide des deux Sociétés françaises et de la Société belge, ils réunissent les radiologues des deux pays avec, en outre, une participation suisse. Le premier Congrès a lieu à Paris en 1933 sous la présidence de Joseph Belot. Les questions à l'ordre du jour, exploration de la muqueuse colique et ondes courtes en thérapeutique, font l'objet de rapports très remarqués de Ledoux-Lebard et Rechou. La réception est somptueuse, salle des Alliés aux Champs Elysées, smoking et habit de rigueur. La réunion suivante se déroule à Bruxelles en 1935 et porte sur les nouvelles conceptions en électrodiagnostic et leur influence thérapeutique par Delherm et Fischgold, les courants progressifs de Lapicque par Duhem, la téléroentgenthérapie totale par Cottenot, l'examen radiologique des glandes endocrines par Morelle et la radiologie des syndromes abdominaux par Colaveri. Troisième Congrès, Paris à nouveau, en 1936, à la Maison de la Chimie, rue Saint-Dominique. Le Quatrième Congrès était prévu en 1938 ; il est reporté à l'année suivante à cause de la tension internationale ; en octobre 1939, les radiologues ont d'autres préoccupations...

   

Bien entendu, des délégations de la Société participent aux Congrès Internationaux : Londres en 1925, Stockholm en 1928, Zurich en 1934, Chicago en 1937 ; la Société s'apprêtait à envoyer des délégués à Berlin en 1940.

  

Mais, la grande affaire, c'est le Troisième Congrès International à Paris en 1931. "Ne perdez pas de vue, proclame le Président de la Société , Duhem, tous tant que vous êtes, Français, parisiens et provinciaux, que si c'est Paris qui reçoit le Congrès, c'est vous, Société de Radiologie Médicale de France, qui devez en faire les honneurs, en vous préparant à publier au Congrès des travaux qui se montrent dignes de votre réputation à l'Etranger. Il faut que, dès maintenant, vous animiez vos Services et vos Laboratoires, en vue de recherches sérieuses, originales si possible, afin de montrer à la science étrangère qui aura les yeux sur vous, que la science française n'a rien à envier à personne". Haret, qui a animé la Société depuis sa fondation, la présidera pour 1931.

   

En juillet 1931, le Congrès s'ouvre à la Sorbonne. Il est placé sous le haut patronage de Paul Doumer, Président de la République, et sous la présidence d'honneur de Mme Curie ; le Président du Congrès est Antoine Béclère, le Secrétaire Général René Ledoux-Lebard. Il y a plus de 1 300 participants, venus de 53 pays ; certains d'entre eux, partis de Chine, du Japon, de Nouvelle-Zélande ou d'Australie, ont fait un très long voyage en bateau pour assister au Congrès. La séance inaugurale, dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, est présidée par le Ministre de la Santé Publique, par les Présidents du Conseil Municipal de Paris et du Conseil Général de la Seine et par le Recteur de l'Université de Paris. Madame Curie, puis Antoine Béclère, souhaitent la bienvenue aux congressistes, qui reçoivent l'ouvrage relié de plus de 1 000 pages, luxueusement édité par Masson, comportant les textes complets des rapports en trois langues, français, anglais et allemand. Antoine Béclère rappelle que des Congrès Internationaux d'Electrologie et de Radiologie, à Paris, Berne, Milan, Amsterdam, Bruxelles, Prague et Lyon, avaient, depuis 1900, précédé l'officiel Congrès International de Radiologie ; il retrace l'histoire de la découverte des rayons X et celle de la radio-activité, fait le bilan des progrès accomplis depuis 35 ans et insiste sur le caractère indispensable de l'enseignement et de la création d'un laboratoire dans chaque hôpital ; un maillet d'honneur et un collier d'or lui sont remis. Les rapports sont des sommes et consitueront une référence pour longtemps : étude du plissement gastrique, examen de l'appareil urinaire, radiothérapie du cancer du sein, radiothérapie anti-inflammatoire.

   

Certes, la Société de Radiologie est une société scientifique, mais il est intéressant, à parcourir les Bulletins et Mémoires, d'y entendre les échos assourdis du monde ambiant. En 1920, la grève des tramways et des taxis empêche la plupart des membres d'assister à la séance. A la fin de 1936, le Président parle d'une année agitée et le Secrétaire Général fait allusion "aux heures difficiles que nous traversons". Au printemps 1938, quelques semaines après l'Anschluss, un radiologue va suivre un cours de perfectionnement à Berlin et visite l'Allemagne. Son rapport reflète bien ce mélange de crainte et de fascination qu'à pu exercer l'Allemagne hitlérienne. A l'hôpital, les malades, même les enfants saluent le visiteur par un "Heil Hitler". "Heil Hitler" encore, crie le Président au début de chaque séance scientifique. Portrait d'Hitler dans chaque atelier de l'usine Siemens, entouré de guirlandes de fleurs et surmonté d'une banderole : "Je serai heureux quand je saurai que tout le peuple est avec moi". En ville, beaucoup de monde dans les rues, beaucoup d'entrain, une circulation automobile intense. Un très beau film : les Jeux Olympiques de Berlin de 1936, avec des athlètes splendides. Dans la campagne, des autrostrades, des digues, une ruche bourdonnante, des milliers de maisons neuves, des jardins. "Voilà la solution au communisme", dit à notre ami le collègue allemand qui l'accompagne. Au restaurant, à Nüremberg, arrive Hitler, très simple, sans escorte ; il s'asseoit à table avec quelques amis, bavarde avec ses voisins. "Je suis rentré en France songeur..."

   

En 1938, la crise de Munich fait reporter le Congrès des Médecins Electro-Radiologistes de Langue Française. En 1938 encore, la presse radiologique publie la nouvelle législation sur les étrangers, réglementant leur circulation dans certains départements. En 1939, l'Union Médicale Balkanique adresse un manifeste à "tous les confrères du monde entier", mettant en garde contre l'imminence du danger des gaz asphyxiants et espérant "réveiller et émouvoir l'opinion publique".

   

La guerre ne tarde pas à interrompre l'activité des Sociétés parisienne et provinciales. La dernière séance parisienne se tient en juin 1939 ; la suivante était prévue en novembre ; elle n'a évidemment pas lieu. Par contre, une séance commune à la Société Française des Electriciens, à la Société d'Electro-Radiologie Médicale de France et à la Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie est consacrée à une communication de Beau et Fischgold sur le fonctionnement électrique du nerf. Les Bulletins et Mémoires ne paraissent plus. Les communiqués de la Société trouvent refuge dans le Journal de Radiologie qui, lui, continue à paraître pendant toute l'occupation, avec un nombre de pages réduit. En novembre 1941, après plus d'un an d'interruption, une séance se tient à l'hôpital Laënnec. "Notre Société, déclare le Président Cottenot, doit reprendre une activité aussi grande que possible, dans la tristesse, le recueillement, la calme attente de jours meilleurs. Cette atmosphère peut être aussi favorable au travail scientifique, qui constitue la plus salutaire des évasions". Et en effet, la vie essaye de continuer. Un collègue lyonnais propose de vouer la Radiologie à un saint patron, saint Michel ; il faut attendre 1954 pour qu'il lui soit donné satisfaction et qu'un décret promulgué par Pie XII dans les Actes du Siège Apostolique pour la Sacrée Congrégation des Rites institue saint Michel Archange patron des Radiologues et des Radiothérapeutes. Massiot présente sa nouvelle table basculante Stator, conçue par Cottenot et Chérigié ; Devois et Proux décrivent l'incidence transthoracique de profil de l'épaule et Chaussé une nouvelle incidence du temporal qui sera le cauchemar des futurs candidats ; Delherm expose le traitement physiothérapique des engelures. C'est un sujet d'actualité : les rares séances parisiennes se tiennent l'hiver à Laënnec et seulement à la belle saison à l'Académie de Chirurgie, qui est dépourvue de chauffage. On se préoccupe des conséquences des restrictions alimentaires sur le personnel médical et de celles des restrictions d'électricité sur le fonctionnement des installations radiologiques. Porcher fait fonction de Chef de Service aux Enfants Malades. On envisage de boxer les salles communes. Le nouvel hôpital Beaujon est réquisitionné par la Luftwaffe. Les membres de la Société sont durement touchés. Antoine Béclère, Aubourg, Regaud, d'Arsonval meurent ces années-là. Didiée est prisonnier. Fischgold, grâce à l'aide de son patron Delherm, trouve refuge à Toulouse où il fait fonction de manipulateur. Le Président fait part du décès de l'ancien Trésorier, Morel-Kahn, qu'il appelle prudemment Morel. On donne à nouveau son nom double complet à "notre pauvre et charmant collègue" lors de la première séance d'après la Libération et on rend alors un hommage appuyé à sa compétence de docteur en sciences, à son travail acharné, à sa droiture, en ajoutant que "les circonstances de ces dernières années n'ont pas altéré l'estime et l'affection que tout le monde lui portait" ; alors qu'il essayait de franchir la ligne de démarcation, il est mort dans des circonstances mystérieuses, seul, dans une chambre d'hôtel, à Tours.

   

La séance du 12 décembre 1944 est un nouveau départ pour la Société de Radiologie. On élit un nouveau Président, Didiée, professeur au Val-de-Grâce qui revient d'un Offlag. Dariaux reste Secrétaire Général, Peuteuil devient Trésorier. Les deux Sociétés, la Société d'Electro-Radiologie Médicale de France et la Société Française d'Electrothérapie et de Radiologie tiennent une séance commune le 9 octobre 1945, constatent qu'elles ont "une même façon de penser, une même orientation scientifique et médicale" et décident enfin de fusionner sous le nom de Société Française d'Electro-Radiologie Médicale dont la formation officielle date du 1er janvier 1947. Les Sociétés provinciales prennent officiellement le nom de Filiales. Le Bureau a un Président parisien et trois Vice-présidents, deux parisiens et un provincial. Le nouveau Président, le Doyen Baudouin est, symboliquement, un neurologue particulièrement intéressé par l'Electrologie. C'est le Journal de Radiologie qui sera désormais le porte-parole officiel de la Société et publiera les Bulletins.

  

Les séances de la Société-mère - puisque c'est ainsi qu'elle se dénomme - et celles des Filiales redeviennent très actives. Une nouvelle Filiale, celle du Nord, est fondée en 1952. La Filiale du Canada n'a pas survécu à la guerre. La Radiologie commence à avoir fait le tour de la pathologie. Il y a donc de nombreuses communications portant sur quelques cas et précisant tel ou tel point de sémiologie. Mais il y a aussi des sommes et d'importantes communications princeps. Les petits chiens de Lachapèle commencent à japper à Bordeaux ; Archimbaud à Lyon, Vandendoorp à Lille publient sur l'arthrographie du genou ; d'importants travaux portent sur les modificateurs du comportement en radiologie digestive, le segment inférieur de l'oesophage du nourrisson, la cholécystographie orale, la cholangiographie intra-veineuse, la splénoportographie, qui va régner pendant 25 ans sur l'examen du système portal, la bronchographie, l'angiocardiographie, l'urographie intra-veineuse, la sémiologie des tumeurs rénales et celle des tumeurs du rhino-pharynx, la discographie. Coliez, Tubiana et Dutreix publient le traitement du cancer du corps thyroïde par l'Iode radio-actif, Simone Laborde et Gros mettent au point la radiothérapie du cancer du corps utérin. Coliez, en 1949, prévoit la révolution que va être, en Radiothérapie, le Cobalt 60. Fischgold, après un séjour en Angleterre, insiste sur la place des physiciens dans un service de Radiothérapie.

  

Les innovations techniques sont nombreuses : la Compagnie Générale de Radiologie fabrique son nouveau Stratix et Massiot son Polytome ; la tomographie, avec ses différents types de balayage, prend son essor ; Fischgold, Coliez voient l'importance que va avoir l'amplificateur de luminance, qui deviendra d'usage courant à la fin des années 1950 et qui, avec la vulgarisation des anodes tournantes et l'apparition des foyers micromillimétriques, sera l'un des grands progrès de cette décennie.

  

Parallèlement, la Société fait appel à des scientifiques prestigieux : Rocard, professeur de Physique à l'Ecole Normale Supérieure parle du Bétatron, Lallemand, professeur à l'Observatoire parle de l'amplification électronique de l'écran radioscopique, le duc de Gramont fait un exposé sur le microscope électronique et photonique et Irène Joliot-Curie sur "masse, rayonnement et énergie".

  

Dès cette époque, se pose la question, encore d'actualité cinquante ans plus tard, de l'unité de la discipline. Tous les Présidents y insistent. Mais comment être à la fois, radiodiagnosticien, radiothérapeute et électrologiste ? L'Electrologie, en particulier, à laquelle la Société tient beaucoup, davantage encore depuis la fusion avec la Société d'Electrothérapie, est, à l'évidence, en perte de vitesse : il n'y a eu que deux communications sur ces sujets en 1948 ; les Présidents s'en plaignent. On a beau élire Président Bourguignon, un électrologiste prestigieux, rien n'y fait. On a beau aussi joindre à l'Electrologie la Physiothérapie, c'est peine perdue ; on écoute néanmoins des exposés sur la place des ultrasons en thérapeutique, en particulier dans l'artérite des membres inférieurs ou les séquelles de poliomyélite. En ce qui concerne la Radiothérapie, Coliez, dès 1954, juge inéluctable la scission de la vaste discipline radiologique et essaie d'envisager comment, grâce à la physique des rayons X, Radiodiagnostic et Radiothérapie peuvent rester solidaires.

  

Recherche aussi d'unité entre Paris et le reste de l'Hexagone. En 1952, la Société modifie ses statuts : il est créé un Bureau National qui, outre le Président National, le Secrétaire Général National et le Trésorier National, comprend les Secrétaires Généraux des Filiales, plus un représentant de chacune des Filiales.

  

La Société continue à se considérer comme dépassant son rôle scientifique et représentant officiellement la Radiologie française. Attention, écrit Mallet en 1953, la Radiologie risque de s'effriter : beaucoup de médecins non radiologues pensent qu'il suffit d'acquérir un appareil médiocre et d'appuyer sur un bouton. Nous voulons que l'électro-encéphalographie fasse partie du domaine de la Radiologie, proclame un voeu de la Société, inspiré par Fischgold. Nous voulons qu'on créé des postes d'agrégés d'Electro-Radiologie, demande la Société au Ministre de l'Education Nationale ; réponse négative du Ministre ; on crée pourtant enfin une Chaire de Radiologie à Paris et Desgrez prononce sa leçon inaugurale en 1947.

   

A nouveau, les Congrès reprennent. Le 4ème Congrès des Médecins Electro-Radiologistes de Langue Française, remis depuis 1938, se tient à Paris, à la Faculté de Médecine, en 1946, sous la présidence de Delherm. Il y a 400 participants français, belges et suisses, et aussi de toute l'Europe ; un sujet de Radiodiagnostic, le rhumatisme vertébral ; un sujet de Radiothérapie, la roentgenthérapie de contact ; un sujet d'Electrologie, l'électro-encéphalographie. Suivent le 5ème Congrès en 1947 à Paris, sous la présidence de Ledoux-Lebard, le 6ème en 1948 à Genève sous la présidence de Gilbert, le 7ème encore à Paris, à la Sorbonne, sous la présidence de Lamarque : les rapports de Jutras sur la jonction oeso-gastrique de l'adulte et de Sauvegrain sur celle du nourrisson feront date. Il est alors décidé d'élargir l'audience : le 8ème Congrès des Médecins Electro-Radiologistes de Langue Française à Bruxelles en 1951 sera, donc, en même temps, le Premier Congrès des Médecins Electro-Radiologistes de Culture Latine ; les suivants auront lieu à Madrid en 1952, à Rome en 1954.

   

A nouveau, les dirigeants de la Société de Radiologie poursuivent une politique active de présence internationale. Les Congrès Internationaux ont repris : Londres en 1950, Copenhague en 1953. Les stages à l'étranger sont fréquents : Stockholm qui, à cette époque, est la Mecque de la Radiologie, mais aussi Londres où se développent les hautes énergies et, bien sûr, déjà, Boston, New York et Chicago. A Paris, en 1950, le Centre Antoine Béclère où la Société de Radiologie est très impliquée, se donne comme mission d'entretenir les relations au-delà de nos frontières.

   

L'une des innovations les plus fécondes est la décision de réunir à Paris, une fois par an, l'ensemble des radiologues français pour des Journées Nationales. L'objet initial est de permettre aux membres des Filiales de présenter leurs travaux devant un large auditoire. L'initiative en revient au Syndicat des Electro-Radiologistes Qualifiés qui, en 1950 et 1951, a organisé des réunions à la fois scientifiques et professionnelles à la Domus Medica, 60 boulevard de la Tour Maubourg. En 1952, le Syndicat demande la collaboration de la Société et les premières Journées de ce type se tiennent à nouveau à la Domus Medica. Elles occupent trois après-midi consacrés au Diagnostic, à la Thérapie et à l'Electrologie. L'expérience est concluante ; elle sera renouvelée en 1953. Il n'y a pas encore de numérotation ; rétro-activement, on considérera que les Journées de 1950 porteront le numéro 1.

   

Les Journées de Radiologie sont le dernier acte important de Secrétaire Général d'André Dariaux. Il quitte en 1953 ce poste qu'il a occupé pendant 25 ans. "Quel trésor qu'un tel Secrétaire Général" disait déjà le Président peu d'années après le début du mandat de Dariaux. "Sous votre règne, dit la Présidente Simone Laborde en 1953, les Présidents se sont succédé chaque année et ils vous doivent une grande reconnaissance pour la manière dont vous savez - tout en cédant apparemment à leurs fantaisies - les préserver des embûches et des récifs pour les conduire vers le but que vous seul avez choisi" et Simone Laborde de poursuivre, de faire l'éloge du travail, du sens de l'organisation et de la souriante domination de Dariaux, qu'elle compare à "une éminence grise, heureux d'accomplir la véritable et utile besogne". C'est à juste titre que, lors d'une séance solennelle, la Société offre à Dariaux une médaille à son effigie.

   

C'est Charles Proux qui succède à Dariaux. Sa bonhomie souriante, son sens des relations publiques, sa connaisance des hommes, son efficacité dans l'organisation, sont parfaitement adaptés à la Société des années 50. Il s'entoure d'une équipe solide et soudée, Jean-Pierre May qui deviendra Trésorier en 1957 et le restera 25 ans, et Jacques Sauvegrain dont la charge de Secrétaire Annuel sera régulièrement renouvelée à partir de 1961 et transformée en mandat de Secrétaire général Adjoint en 1968, avec "droit de succession".

   

"La Société a atteint son rythme de croisière" déclare Proux, dans l'un de ses comptes rendus de mandat. Les rayons X ont été découverts six décennies auparavant. La Radiologie a acquis droit de cité. "Le temps des pousseurs de bouton est révolu" dit encore Proux. On ne prévoit guère de bouleversements : ampoule à rayons X, objet, image, la triade est immuable et destinée à le rester. Néanmoins, les perfectionnements sont innombrables et les séances de la Société sont animées. En 1959, la réunion solennelle destinée à fêter le cinquantième anniversaire en témoigne. L'amplificateur de brillance est devenu d'usage courant, permettant la scopie télévisée et la radio-cinéma. Chérigié, qui retrace l'historique des progrès accomplis depuis cinquante ans, rappelle que, dès 1935, Dauvilliers avait prédit qu'un jour viendrait où "le radiologiste ne serait plus tenu de scruter avec des yeux longuement adaptés à l'obscurité, l'écran très faiblement éclairé et où, au contraire, il travaillerait dans un parfait confort et, s'il le voulait, à son pupitre, en pleine lumière du jour" ; vingt ans plus tard, cette utopie est devenue réalité ; télécommande, automatisme de l'exposition, automatisme du développement des films, améliorent considérablement l'exercice quotidien de la profession. Gros, devenu titulaire de la Chaire de Radiologie de Strasbourg en 1956, lance la mammographie qui va devenir et restera le procédé d'exploration adapté à l'examen du sein ; la thermographie qui fait l'objet d'un Colloque International en 1966, et de nombreuses séances de Congrès, n'aura pas le même succès. On étudie en radio-cinéma les mouvements de l'oesophage, de l'estomac et du pylore. On opacifie les lymphatiques et on peut ainsi prévoir le pronostic et conduire le traitement de la maladie de Hodgkin. La splénoportographie devient d'usage courant. Un jeune radiologue suédois, Seldinger, a mis au point une technique permettant de cathétériser et d'opacifier sélectivement les branches de l'aorte ; elle est immédiatement adoptée en France et fait l'objet en 1963 d'une communication remarquée de Chalut, Bennet et Prot.

   

En Radiothérapie, les hautes énergies se substituent au 200 kilovolts ; le Bétatron fait l'objet d'une communication dès 1954 ; les isotopes artificiels et les préparations non radio-actives remplacent le Radium.

   

En Diagnostic, comme en Thérapie, l'heure est aux bilans, puisque la Société navigue en eaux calmes. En 1967, se tient donc à Paris, sous la présidence de Lefebvre, un symposium sur l'expansion de la Radiologie, organisé par Alain Laugier. Il rassemble un parterre de radiodiagnosticiens, de radiothérapeutes, de médecins nucléaires, de médecins de toutes disciplines, d'hospitaliers, de médecins libéraux, de physiciens, d'administrateurs, de politiques ; il prévoit une expansion encore plus importante de la discipline, met l'accent sur l'informatique, la recherche, l'enseignement, la formation continue et insiste sur les besoins importants en matériel, en locaux, en personnel médical et non médical de cette Radiologie dont la croissance va être exponentielle.

    

Peut-être pourtant, n'accorde-t-on pas suffisamment d'importance à certains travaux originaux. En 1964, Djindjian, un neurologue converti à la Radiologie, publie un article sur l'artériographie des angiomes de la moëlle : c'est une première mondiale, qui va conduire à la Radiologie interventionnelle puisqu'en 1971, un nouvel article princeps traitera de l'embolisation par voie fémorale d'un angiome médullaire. "Vos actes, déclare en 1970 Fischgold dans son allocution présidentielle, s'intègrent de plus en plus à la technique opératoire". La même année, il commence la publication de son Traité en 25 volumes qui va rassembler la somme des connaissances radiologiques. En 1970, aussi, paraissent les premières communications sur le double contraste en radiologie digestive, qui va devenir la technique courante d'examen pendant les vingt années suivantes et va essayer de concurrencer l'endoscopie. En 1971, Francis Weill, lors d'une réunion de la section de l'Est, consacre plusieurs communications à l'échographie. La même année, il organise à Besançon les Journées Françaises d'Echographie. La définition des images ne convainc pas encore tout le monde. Ce jeune homme est-il un pionnier ou un illuminé ? La suite le dira. Par contre, lorsqu'à Wimbledon, on expérimente le premier scanner, les radiologues français se rendent immédiatement compte qu'il s'agit d'une révolution ; Fischgold les y aide en publiant en 1973 un article intitulé "L'Emi-Scanner".

    

La Radiologie est sortie des eaux calmes...

    

Les problèmes qui agitent la Société, dans ces années 1950 et 1960 n'ont pas varié : unité de la Radiologie, cohésion Paris-Province, coexistence des anciens et des jeunes, rayonnement international.

   

C'est vrai, le domaine de la Radiologie est de plus en plus vaste. Faut-il l'étendre encore ? Faut-il le restreindre ? Comment résister aux menaces extérieures ? Faut-il des radiologues généralistes ou des radiologues spécialisés ? "Les appareillages sont de plus en plus sophistiqués, dit Desgrez, Président de la Société lors du 50ème anniversaire ; le radiologue ne peut plus remédier lui-même à une panne ; comme l'automobiliste moderne, il doit avoir recours à un technicien. En même temps, les appareillages sont de maniement de plus en plus facile. N'y a-t-il pas là une crainte de la disparition de la discipline ?" L'électroradiologiste doit donc savoir se limiter pour être performant, conclut Desgrez ; il doit devenir radiologue digestif, radiologue thoracique, radiologue ORL. "Qui trop embrasse mal étreint" proclame Nadal, Président en 1961. Toutes ces questions sont sans cesse discutées.

    

L'Electrologie se meurt : c'est un constat. Certains le regrettent : tout un domaine, la médecine physique, la rééducation fonctionnelle échappe aux radiologues. Proux, lors du 50ème anniversaire déplore "le regrettable déclin de cette belle spécialité ; c'est par elle qu'a commencé le pillage de notre discipline."

     

A l'opposé, la Radiologie essaye d'annexer la Médecine Nucléaire. Lors des séances de la Société des exposés sont présentés sur l'Iode radioactif ; l'utilisation en thérapeutique des isotopes artificiels est une raison supplémentaire de garder la Médecine Nucléaire au sein de la discipline radiologique. Tous les Congrès consacrent une ou plusieurs séance à cette spécialité. Bien qu'il n'y ait eu aucune modification des statuts, la Société Française d'Electro-Radiologie s'intitule officieusement Société Française de Radiologie Médicale, de Médecine Nucléaire et d'Electrologie. Cette tentative sera sans lendemain.

    

La Radiothérapie, quant à elle, c'est une évidence, veut s'individualiser. Coliez, qui l'avait déjà prévu, y insiste à nouveau en 1958 : comment être un et plusieurs à la fois ? Il faut, dit-il, garder "une unité de culture", un tronc commun fondé sur la physique des rayons X. Au passage, on dit adieu à la Radiothérapie anti-inflammatoire : son heure de gloire est maintenant passée. Quoi qu'il en soit, à Paris, à l'initiative de Surmont, Président en 1962, les séances de la Société se spécialisent : il y aura chaque année une séance de Radiologie digestive, d'autres de Radiologie thoracique, de Radio-pédiatrie, de Radiologie cardio-vasculaire et, bien entendu, une, puis deux séances de Radiothérapie. En 1968, après les "événements de mai", la réforme du CES de Radiologie concrétisera les idées qui étaient dans l'air depuis longtemps : l'Electrologie est définitivement abandonnée ; après une année de Tronc Commun, les étudiants suivront un enseignement de deux années spécialisées soit en Diagnostic, soit en Thérapie ; ils ne termineront plus leur formation comme radiologues polyvalents, mais comme radiodiagnosticiens ou radiothérapeutes.

    

La cohésion intra-hexagonale, la Société la souhaite et fait tout pour la renforcer. En 1961, on révise les statuts. Le Président National sera désormais, alternativement, un Parisien et un Provincial. Le Bureau National comprendra, outre le Président National, le Secrétaire Général National et le Trésorier National, deux vice-présidents (un Parisien et un Provincial) et un membre de chacune des Sociétés provinciales. Le Conseil National comprendra le Bureau National plus le Président de chacune des Sociétés des provinces. En 1961, la Société parisienne est dénommée Société-mère ou de Paris, mais les Sociétés de province ne sont plus appelées Filiales. En 1960, elles sont au nombre de 7. En 1964, celle d'Alger et d'Afrique du Nord est officiellement dissoute lors d'une séance solennelle à Constantine pour faire place à la Société Nationale Algérienne d'Electro-Radiologie Médicale et de Médecine Nucléaire présidée par Ben Dib ; lors de cette séance, il y a encore de nombreuses communications présentées par des Français d'Algérie. Ils gagnent presque tous la métropole dans les années suivantes. L'un d'entre eux, Viallet, fonde en 1967 la section du Massif Central de la Société Française de Radiologie.

    

Anciens et modernes, la querelle est de tous les temps. En Radiologie, elle est feutrée. "Avec quelle joie, s'écrie Fischgold lors de son allocution présidentielle, je vois que vous m'avez dépassé ! Il faut, ajoute-t-il, tourner le dos aux poncifs et aux pontifs, laisser s'exprimer les jeunes inventifs. Les meilleurs d'entre vous, les jeunes, arriveront au stade des responsabilités administratives. Ce sera le moment de se rappeler leurs devoirs envers les nouveaux jeunes." C'est dans cet esprit que, sans idée de rupture, un groupe de jeunes patrons crée, en 1958, un nouveau journal, les Annales de Radiologie. C'est peut-être par réaction de défense que les "anciens" fondent un Comité National d'Electro-Radiologie pour étudier les problèmes généraux concernant l'Electro-Radiologie et représenter l'Electro-Radiologie auprès des autorités nationales et internationales. La nomination en 1965-1966 de 27 agrégés de Radiologie bouleverse les données de la question : jeunes aux dents longues, ayant choisi le temps plein hospitalo-universitaire, ils vont fonder le Conseil des Enseignants de Radiologie de France et, pour bien marquer qu'ils ne désirent pas de rupture, vont placer à sa tête, comme premier Président, un de leurs aînés les plus estimés, Jacques Lefebvre.

    

Il ne faut pourtant pas exagérer l'importance de ces controverses qu'on ne peut guère appeler affrontements. La Société de Radiologie n'en souffre pas. Les Journées continuent à prospérer. A partir de 1954, elles sont organisées en collaboration avec la Chaire de Radiologie de la Faculté de Médecine de Paris et se tiennent à l'Amphithéâtre de Physique. Elles groupent 400 à 500 participants et occupent deux demi-journées. Après un retour transitoire à la Domus Medica en 1962, elles ont lieu en 1963 à la Maison de Chimie, rue Saint-Dominique : deux demi-journées encore, un seul amphithéâtre et, bientôt, une exposition technique. 1967 est un tournant : le Président, Jacques Lefebvre, institue un enseignement post-universitaire qu'il confie à Victor Bismuth ; c'est tout de suite un succès, qui ne se démentira pas ; on passe, d'autre part, à 3 séances scientifiques. 1970 : nouvelle innovation, l'exposition scientifique complète le canevas : 3 séances scientifiques, un EPU, une exposition scientifique, une exposition technique. Les Journées ont grandi : on les appelle désormais Journées Nationales Françaises de Radiologie. Le Trésorier de la Société, Jean-Pierre May y ajoute des fêtes splendides et un programme au Théâtre de Paris où se produisent des artistes presque encore inconnus, Jacques Brel ou Colette Renard.

    

Le rayonnement international de la Société ne se dément pas lui non plus. La Société organise des séances franco-britanniques, accorde son patronage aux Journées Internationales de Radiologie cardio-vasculaires qui emmènent les congressistes en croisière en Méditerranée. La Société du Proche et du Moyen Orient organise à Beyrouth en 1961, l'une des dernières manifestations scientifiques avant la guerre civile. A Abidjan, en 1972, une réunion franco-africaine inaugure une collaboration avec l'Afrique Noire francophone. Une participation française importante assiste aux Congrès Internationaux : Mexico en 1956, Munich en 1959, Montréal en 1962, Rome en 1965, Tokyo en 1969, Madrid en 1973. Toutefois, il faut le constater, la Radiologie française n'est pas assez connue à l'étranger, les articles français sont rarement cités. "Apprenons l'anglais, déclare Coliez en 1958, allons aux congrès américains, publions en anglais", refrain qui sera mille fois répété dans les décennies suivantes.

    

Les Congrès de Culture Latine continuent, eux aussi : Rome en 1954, Lisbonne en 1957. Le Congrès de 1961 se tient à Paris, au Parc des Expositions sous la présidence de Coliez. C'est un succès, il y a 1 500 participants. Le clou, c'est le radio-cinéma et la transmission télévisée directe sous l'impulsion de Chérigié : à Paris, à l'hôpital Claude Bernard, un radiologue examine le malade tandis qu'à Turin, à Bruxelles, à Munich, des équipes regardent les images et les commentent. Après Bruxelles en 1964, Barcelone accueille les congressistes "latins" en 1967. Une nouveauté : le Congrès de Barcelone, 7ème Congrès de Culture Latine est, en même temps, le 1er Congrès de l'Association Européenne de Radiologie qui, sous l'impulsion de Gros, a été fondée à Strasbourg l'année précédente et qui a choisi comme Président Rajewski : peu de collègues en prévoient l'expansion à cette époque. Ce jumelage ne dure pas : le Congrès Latin se tient à Rio-de-Janeiro en 1970, tandis que le 2ème Congrès de l'AER se réunit à La Haye en 1971.

     

Le Secrétariat Général de Jacques Sauvegrain, qui débute en 1974, marque un tournant dans l'histoire de la Société Française de Radiologie. L'auteur de ces lignes a été trop étroitement mêlé à cette histoire pour prétendre à l'objectivité. Il vaut tout de même la peine d'essayer de la retracer.

    

Pour comprendre l'évolution de la Société de Radiologie, il faut se placer dans le contexte technologique, médical, économique et politique de ce dernier quart du vingtième siècle.

   

La Radiologie a bénéficié, en peu d'années, d'un des bouleversements les plus importants de l'histoire de la médecine. Depuis Roentgen la production de l'image ne s'était guère modifiée dans son principe. En deux décennies, l'échographie, la tomodensitométrie, l'imagerie par résonance magnétique sont venues s'ajouter, et souvent se substituer au schéma classique source de rayons X-objet-film ; à la Société de Radiologie, les premières communications sur le scanner apparaissent dès 1973, celles sur l'IRM dès 1981. En même temps, l'imagerie interventionnelle confère au radiologue un rôle thérapeutique de plus en plus important, le Doppler permet une étude des vaisseaux, la numérisation modifie l'image traditionnelle. De ces bouleversements il est résulté chez les radiologues jeunes et moins jeunes, une soif de connaissances, une fréquentation passionnée des cours, séminaires, symposiums, enseignements post-universitaires, congrès, une prise de conscience des nouvelles responsabilités conférées au radiologue par la place accrue de l'imagerie dans la séquence diagnostique et thérapeutique, ainsi que de la nécessité d'une hiérarchie des examens et de l'établissement d'un "arbre de décision".

    

La généralisation du plein temps hospitalo-universitaire a contribué, avec ce bouleversement technologique, à développer partout en France des équipes hautement performantes de notoriété nationale et internationale.

    

En même temps, l'hexagone est devenu plus petit, le monde lui-même a rétréci : TGV, avions à réaction, multi-média ont permis des échanges plus faciles et plus fréquents. Il faut moins de temps aujourd'hui pour aller de Paris à San Francisco ou à Tokyo qu'il n'en fallait en 1950 pour aller de Paris à Marseille. Ce que le Secrétaire Général Proux appelait "un certain séparatisme provincial" s'est effacé ; l'impérialisme parisien, réel ou allégué, n'a plus été ressenti comme tel. En outre, les Français, et en particulier les radiologues français, ont appris à voyager à l'étranger et à manier aisément l'anglais, devenu, qu'on le veuille ou non, langue médicale internationale : Chicago, Rome, Munich leur sont devenus familiers.

    

La considérable expansion de la Radiologie, l'importance et la quantité des connaissances nécessaires à son exercice, ont abouti au fait que la spécialisation à l'intérieur de la discipline est presque devenue la règle. Les congrès spécialisés se sont multipliés : neuro-radiologie, radiologie cardio-vasculaire, radio-pédiatrie, tomodensitométrie crânio-cérébrale, tomodensitométrie corps entier, IRM.

    

Parallèlement, les problèmes d'économie de la santé ont fait irruption en Médecine et tout particulièrement en Radiologie. La prise de conscience des contraintes budgétaires a vite conduit les radiologues à admettre la nécessité d'une gestion.

    

Les risques pour la Société de Radiologie étaient donc réels. Multiplicité des techniques, impossibilité pour un individu d'appréhender la totalité des connaissances, pouvaient conduire à un éclatement de la discipline en d'innombrables spécialités d'organes ou de techniques, ayant chacune sa Société propre, française, européenne ou internationale ; les spécialistes cliniciens pouvaient souhaiter, et réussir efficacement, à annexer chacune de ces spécialités radiologiques. La généralisation du plein temps hospitalo-universitaire pouvait créer un fossé entre deux fractions de la communauté radiologique, aux préoccupations différentes : les uns orientés vers la nouveauté et la recherche , les autres vers l'exercice quotidien et le contact avec le malade. La multiplication des lieux d'enseignement et de perfectionnement pouvait rendre inutile l'existence d'une Société centralisatrice. En même temps, d'ailleurs, naissait une prise de conscience européenne : le CEPUR (Collège d'Enseignement Post-Universitaire de Radiologie) dépassait avec succès les frontières de l'hexagone ; si les Congrès de Culture Latine disparaissent après la tenue du Congrès de Venise dans le cadre prestigieux de Saint-Georges Majeur en 1974, et l'échec du Congrès de Paris en 1978, l'AER (Association Européenne de Radiologie) prenait son essor, réunissait des Congrès à Edimbourg en 1975, Hambourg en 1979, Bordeaux en 1983, Lisbonne en 1987, Vienne en 1991 ; la décision était alors prise d'un lieu fixe, Vienne, d'un rythme de deux ans, d'une large ouverture, en particulier vers l'Europe de l'Est. Enfin, les contraintes économiques pouvaient susciter un climat de pessimisme et de fatalisme préjudiciables à l'expansion de la discipline radiologique.

    

Il appartenait à la Société de Radiologie de relever tous ces défis. Elle y a été aidée par la cohésion de ses Secrétaires Généraux successifs. Aux mandats de 20 à 25 ans des trois premiers Secrétaires Généraux, Haret, Dariaux et Proux, ont été substitués des mandats de trois ans renouvelables une fois, qui ont permis aux responsables de la Société de donner le meilleur d'eux-mêmes en un temps limité et pour chacun d'entre eux, de compléter et d'amplifier l'oeuvre de son prédécesseur. Se sont ainsi succédé Jacques Sauvegrain, Henri Nahum, Michel Bléry et Guy Frija. Les modifications des Statuts de 1981 et 1992 ont fait de la Société de Radiologie une Société de type fédéral où Paris et les métropoles régionales sont à égalité. Ils ont également précisé les relations avec les Sociétés spécialisées dans le cadre de la Société Française de Radiologie ; celles-ci sont devenues nombreuses et concernent tous les domaines de l'Imagerie ; le GETROA (Groupe d'Etude et de Travail en Radiologie Ostéo-Articulaire) rassemble des radiologues des orthopédistes et des rhumatologues. La Radiothérapie, après le succès de sa participation au Congrès International de Radiologie de 1989, a pris la décision de mener sa vie propre et de fonder une Société indépendante ; cette décision était, à vrai dire, inéluctable : elle avait été précédée par l'individualisation d'une Section nationale de Radiothérapie dans le cadre de la Société Française de Radiologie, par la tenue de sessions propres de Radiothérapie lors des Journées Françaises de Radiologie, ainsi que par la fondation d'un Journal de Radiothérapie. La Société Française de Radiologie, quant à elle, était, pour ses informations et ses bulletins, accueillie par le Journal de Radiologie depuis 1945 ; la décision est prise de publier un journal qui soit l'organe officiel de la Société et du CERF : c'est la Revue d'Imagerie Médicale dont le n° 1 paraît en 1989 lors du Congrès International, et dont les Rédacteurs en Chef sont successivement Jacques Rémy et Yves Menu ; en 1995, la Revue d'Imagerie Médicale fusionne avec le Journal de Radiologie qui paraît dès lors sous la responsabilité de la Société et du CERF et en devient l'organe officiel, avec Jean-Louis Dietemann comme Rédacteur en Chef.

    

De manière explicite, la Société de Radiologie pratique une politique de large ouverture et souhaite attirer aussi bien les radiologues libéraux que les hospitalo-universitaires, les collègues confirmés que ceux en formation, les radiologues militaires, les ingénieurs, les industriels. Cette politique se manifeste clairement lors des Journées de Radiologie, dont les responsables veulent faire un grand Congrès international, rassemblant une fois par an la totalité du monde radiologique. Le transport des Journées au Palais des Congrès de la Porte Maillot offre à la manifestation un cadre adapté aux dimensions qu'elle va prendre. Le remplacement des trois séances plénières classiques censées rassembler radiodiagnosticiens et radiothérapeutes, par de multiples séances scientifiques, l'intégration au corps même des Journées des séances des Sociétés spécialisées, le nombre accru de ces dernières, l'organisation de séances "à la demande" en fonction des derniers problèmes apparus (IRM l'année même de l'installation du premier appareillage en France, SIDA, imagerie médico-légale) offrent une tribune à toux ceux qui désirent s'exprimer et attirent un public de plus en plus nombreux. Le niveau des communications est maintenu par une sélection attentive. Les résumés sont publiés dans un programme remis aux participants. Des séances consacrées à la recherche et aux progrès en cours témoignent des préoccupations scientifiques de la Société. En même temps, en ouvrant largement et clairement leurs portes aux radiologues praticiens, les Journées évitent de se transformer en un club fermé, loin des préoccupations quotidiennes de ceux qui exercent le métier sur le terrain. En développant l'enseignement post-universitaire, en y adjoignant un cours thématique et des cours en anglais faits par des conférenciers prestigieux, en le diversifiant par des espaces d'auto-enseignement par collections de clichés et montages audio-visuels, en le complétant par une exposition scientifique sur négatoscopes et sur panneaux et par un espace informatique, en organisant des séances d'interprétation où les intervenants discutent en public des observations radiologiques et démontrent leur méthode de raisonnement, les Journées répondent au besoin de formation des participants. Se voulant, pendant une semaine, lieu de rassemblement de tous les acteurs de la Radiologie française, les Journées accueillent des réunions du CERF (Conseil des Enseignants en Radiologie de France) et de la FNERQ (Fédération Nationale des Electro-Radiologistes Qualifiés), ainsi que des responsables administratifs, des industriels, des ingénieurs bio-médicaux et des techniciens ; des séances scientifiques sont organisées à l'intention de ces derniers. L'exposition technique est le complément indispensable de la partie scientifique. Malgré la concurrence de Chicago et de Vienne, son importance s'accroît d'année en année, les superficies consacrées aux appareillages deviennent de plus en plus vastes, les stands de plus en plus nombreux, la fréquentation de plus en plus grande.

    

Enfin, la Société continue à être un interlocuteur privilégié des autorités ministérielles. Les Secrétaires Généraux successifs sont consultés sur tous les problèmes importants concernant la Radiologie, participent à de nombreuses Commissions et souvent les président. La création, au sein de la Société de commissions d'évaluation et d'économie de la santé, l'organisation lors des Journées de séances de gestion et d'économie de la santé ainsi que de conférences de consensus témoignent de l'intérêt de la Société pour ces questions. Les représentants de la Société participent à la Mission interministérielle qui émet, en 1990, 21 propositions dont certaines seront suivies d'effet : création d'une discipline, l'imagerie médicale, comprenant des spécialités d'organe, mise au point d'un contrôle de qualité, enseignement de l'imagerie lors du premier cycle des études médicales, institution d'un Conseil Supérieur de l'imagerie médicale. L'inauguration chaque année, par le Ministre de la Santé, de l'exposition technique des Journées et l'allocution qu'il prononce dans la grande salle du Palais des Congrès où il est accueilli par le Président et le Secrétaire Général symbolisent les relations étroites, cordiales et parfois conflictuelles, nouées entre la Société Française de Radiologie et les Pouvoirs Publics.

    

En 1954, les Journées groupaient 400 participants, en 1996, plus de 14 000 (près de 7 000 congressistes et plus de 7 000 visiteurs) dont plus de 1 000 étrangers. Plus de 400 communications ont été acceptées.

    

La charge de l'organisation des Journées est telle que depuis 1994 la Société de Paris-Ile de France est devenue autonome ; son Secrétaire n'est plus le Secrétaire Général national. Depuis plusieurs années, une réorganisation des séances y amène un public nombreux.

   

La Société Française n'a évidemment pas oublié le rôle international qu'elle s'est assigné depuis sa fondation. La manifestation la plus éclatante en a été le XVIIème Congrès International de Radiologie, tenu à Paris à la Porte de Versailles en 1989, l'année de la célébration du bi-centenaire de la Révolution Française. Décidée par le Bureau National de la Société, la candidature de la France a été adoptée lors du XVIème Congrès qui, à Hawaï en 1985, a succédé à ceux de 1977 à Rio-de-Janeiro et de 1981 à Bruxelles. Présidé par Maurice Tubiana, un Comité de quatre membres désignés par la Société Jean-Michel Bigot, Jean-François Moreau, Michel Bellet et François Eschwège a fait de ce Congrès, dont l'ouverture a été marquée par une allocution du Ministre de la Santé, un succès unanimement reconnu : près de 20 000 participants dont 1 500 non-européens, haut niveau scientifique, près de 1 000 communications orales et 200 "lectures", 84 séances d'enseignements post-universitaire, 1 700 expositions scientifiques, 12 000 m2 d'exposition technique, 230 exposants, un programme social brillant.

   

Mais, l'action internationale de la Société se poursuit tout au long des années. Une commission des relations internationales a été créée au sein de la Société. Des séances communes sont organisées avec d'autres Sociétés Nationales, en particulier une réunion franco-allemande lors des Journées de 1987. Bien que - et on peut le regretter - la participation française aux Congrès de l'AER soit peu nombreuse, les représentants de la Société Française de Radiologie font partie des dirigeants de l'Association Européenne de Radiologie et de son journal European Radiology. Les Bourses Kodak, créées en 1975, permettent à de jeunes radiologues d'assister chaque année au Congrès de la Radiological Society of North America qui rassemble 40 000 participants ; ces bourses ont suscité un mouvement d'intérêt chez les radiologues français qui sont maintenant plusieurs centaines à assister au Congrès, à y présenter des communications et des expositions scientifiques. Symétriquement, les bourses Jacques Sauvegrain offertes par la Société permettent chaque année à des radiologues étrangers, d'assister aux Journées Françaises. Ces dernières, devenues Francophones en 1981, accueillent de nombreux radiologues étrangers. C'est le lieu de formation post-universitaire de la plupart des radiologues marocains et tunisiens. La Société Française, ses dirigeants et ses membres ont beaucoup contribué à la naissance et à l'épanouissement de la discipline radiologique au Maghreb, par des missions, des colloques et des réunions communes. La Société Française de Radiologie a aussi suscité la naissance de la Société de Radiologie d'Afrique Noire francophone, qui, après des réunions à Abidjan en 1972 et à Dakar en 1976, a tenu son premier Congrès à Abidjan en 1985 et son second à Dakar en 1987, et dont les membres se réunissent lors des Journées francophones à Paris. La Société Française a participé à la création du GREF (Goupe des Radiologues Enseignants d'Expression Française) qui souhaite développer la Radiologie dans les pays d'Afrique Noire et d'Extrême-Orient et qui a une action constante dans les pays de l'Europe de l'Est ; un premier Congrès Est-Européen de Radiologie d'Expression Française a eu lieu à Bucarest en 1996 ; le second doit se tenir à Budapest en 1998. Enfin, après une longue interruption, une réunion franco-libanaise s'est déroulée à Beyrouth en 1997.

    

Ainsi va, en 1997, la Société Française de Radiologie. De 79 en 1909, le nombre de ses membres est passé à 3 376 en 1997 ; son Secrétaire Général a eu un rôle déterminant dans la fondation de la Fédération des Sociétés Nationales des Spécialités Médicales et a été élu Président de cet organisme qui groupe 40 Sociétés Savantes et 7 500 spécialistes, et sera un interlocuteur privilégié des Pouvoirs Publics en particulier en ce qui concerne la formation médicale continue. D'une Radiologie que nous trouvons aujourd'hui rudimentaire et dangereuse, l'Imagerie est passée à l'utilisation d'appareils hautement sophistiqués. Périodiquement, il semble qu'on arrive à un plateau ; une nouvelle découverte donne un élan nouveau à notre discipline. Les risques n'ont pas disparu : absorption de pans entiers de l'imagerie par des spécialistes cliniciens, difficultés économiques de plus en plus lourdes. Ils n'ont pas empêché, jusqu'à présent, l'expansion de la Société Française de Radiologie qui a puissamment contribué à la cohésion et la compétence accrue des radiologues.

    

Il n'est pas d'usage de fêter le 88ème anniversaire d'une institution. Guy Frija, l'actuel Secrétaire Général a voulu reprendre la tradition d'un regard en arrière, inaugurée par Dariaux et par Gauducheau. Je tiens à remercier ceux qui m'ont aidé : le Président du Centre Antoine Béclère, Maurice Tubiana et son Secrétaire Général André Bonnin m'ont permis de puiser dans les riches archives du Centre ; tout spécialement, ma gratitude va à Monsieur Jean Maximoff qui règne avec passion sur ces documents et qui n'a pas ménagé ses efforts et sa patience. J'ai aussi largement utilisé l'ouvrage de Guy et Marie-Josée Pallardy et Auguste Wackenheim sur l'histoire de la Radiologie et les articles de Guy Ledoux-Lebard et de Guy Pallardy parus dans les journaux radiologiques.